Peut-on reconnaître la spécificité des actions diaconales dans les actions elles-mêmes ? Certes, la diaconie a pu faire œuvre d’innovation en ouvrant la voie dans des domaines qui n’étaient pas encore pris en charge par l’action publique ou par des initiatives laïques. C’est probablement de moins en moins vrai, même si le souci demeure de discerner des besoins nouveaux et d’inventer des réponses appropriées. La spécificité serait-elle plutôt liée à une certaine manière de conjuguer dans la pratique de l’institution – que l’on songe à la Fondation John Bost par exemple – une action thérapeutique en l’occurrence et une parole évangélique ? Mais que dire alors de toutes les œuvres où la référence évangélique n’est pas explicitement parlée ? Et ce témoignage verbal constitue-t-il la spécificité de l’œuvre elle-même ?
Plusieurs estiment que la différence est plutôt liée à un certain comportement des acteurs, une certaine qualité d’accueil et d’écoute par exemple. En regard de l’anonymat de tant de services administratifs, l’être humain ici est accueilli pour lui-même, considéré comme une personne dans la globalité de son existence. Sa reconnaissance comme sujet, l’attention portée à sa parole, la conviction qu’il est toujours plus que ce qui lui arrive – le chômage, la maladie, le handicap – qualifient une action diaconale.
Mais une telle qualité d’accueil, un tel souci de l’humanité de l’Homme ne se rencontrent-ils pas aussi dans les services publics ou dans les associations laïques ?
La foi vient nourrir l’engagement
Que nos entreprises diaconales portent cette préoccupation de l’être humain tout entier, c’est leur tâche, non leur privilège. Nullement une exclusivité.
La spécificité se situerait-elle alors dans les motivations ? C’est à ce niveau de ce qui inspire le service, de ce qui le sous-entend, que l’originalité de l’action diaconale semble la plus indiscutable. La foi vient nourrir l’engagement, en renouveler sans cesse les sources. La parole de l’Évangile qui me dit la reconnaissance dont je suis l’objet de la part de Dieu devient un puissant facteur de reconnaissance de l’autre.
« Que nos entreprises diaconales portent cette préoccupation de l’être humain tout entier, c’est leur tâche, non leur privilège. Nullement une exclusivité. »
Mais qui ne mesure aussi combien nos motivations sont complexes ? Qui pourrait démêler un tel enchevêtrement ? Tout service est recherche d’une gratification pour nous-même. Besoin de combler un amour insatisfait ? De se déculpabiliser ? De satisfaire un goût de pouvoir ?
Ni noir, ni blanc
Finalement, pouvons-nous situer la spécificité ailleurs que dans l’Évangile lui-même ? Toute tentative de l’objectiver dans la particularité de nos projets, dans la qualité de nos actions, dans la singularité de nos motivations n’est-elle pas vouée à l’échec ? L’action est toujours ambiguë, les motivations toujours mêlées. L’institution jamais miroir de l’Évangile. Le pôle de l’altérité, c’est la Parole ; la trace qu’elle creuse en nous ne saurait être ni objectivée ni revendiquée. Tel est le statut ambigu de toute diaconie chrétienne. Ni angélisme, ni fonctionnalisation. Mais devant Dieu, une certaine manière de répondre du monde dans la responsabilité de l’action.
Gérard Delteil,
pasteur, doyen honoraire de l’Institut protestant de théologie de Montpellier