Par Philippe Eugène Biyong, pasteur de l’Église protestante unie de France en Hautes Pyrénées.
À Montauban aussi, une synergie s’est mise en branle pour rendre le déroulement de notre rencontre synodale agréable à tous points de vue. Diverses compétences ont été convoquées. Des élus locaux, des intendants et communicateurs. Mais aussi un paroissien de marque, membre de l’Église protestante unie de France de Montauban : M. le Préfet. Les rues et artères de la ville semblaient parées de leurs plus beaux atours. Les boulevards et ruelles de la vieille ville brandissaient fièrement leurs noms de baptême comme pour nous rappeler une mémoire collective favorable au protestantisme historique à une certaine époque. Le Pont Vieux, la cité d’Ingres, l’Église Saint-Jacques, la place des Martyrs, l’Académie et d’autres lieux d’histoire dévoilent la singularité de cette ville. Ce décorum et cet accueil pouvaient détourner notre attention. Nous pousser à préférer la passivité. Puis l’indolence du tourisme, bien loin du thème synodal. Vu qu’ils évoquaient à eux seuls, d’une certaine façon, un défi déjà relevé par la foi de nos devanciers. Les empreintes de notre Église dans cette cité sont une somme de réponses sur l’être et le devenir de notre témoignage. Il nous était donc loisible de nous fondre dans la foule et faire comme d’autres, nos « Quatre cents coups » !
Usage des talents
Les plus attentifs ont compris qu’il n’était pas question de venir en dilettante à ce synode. Notre aumônier, Gilles Pivot (ancien président du conseil de la région PACCA), nous a d’emblée interpellés sur le type d’Église que le Christ a voulu : « Il a voulu ainsi la rendre sainte en la purifiant avec l’eau qui lave, et cela par la parole ; il a voulu se la présenter à lui-même splendide, sans tâche ni ride, ni aucun défaut ; il a voulu son Église sainte et irréprochable » (Éphésiens 5,25-27). Dans sa brillante prédication de fin de synode, il nous a rappelé que cette œuvre était la nôtre aussi. Elle passe par les « Talents » qui nous ont été remis par le Maître de la moisson. Son exégèse approfondie de cette parabole des talents (Matthieu 25,14-30) nous a rappelé à l’ordre. Nous avons bien retenu que le témoignage de l’Église peut devenir davantage pertinent et actualisé si nous mettons à profit les outils que « nous sommes » et « possédons » au service de la cause.
Mise en perspective du thème synodal
Le thème de notre synode régional cette année pouvait être reçu comme un avertissement ou un appel pour une prise de conscience. Mais aussi comme de veines redites. Du déjà entendu ! Ou alors la dénonciation d’une inconséquence constatée. Comment faire dès lors pour donner raison à l’évidence tout en donnant une nouveauté à ce questionnement récurrent ? Quelle méthode, quelle maïeutique peut fédérer nos élans si divers, si partagés sur ces questions, pour qu’ensemble nous participions à l’émergence de cette expression plénière et conséquente de notre protestantisme historique si attendue aujourd’hui et demain ? Dans son discours introductif le président de notre région, le pasteur Alain Pélissier, a planté les décors. Il a structuré son intervention d’une façon fort singulière, accordant sa préférence aux figures de styles vivantes, au détriment de la rigidité conceptuelle qu’on reproche au jargon théologique. Il a su allier l’anaphore à l’analogie, le parallélisme à la comparaison, en s’inspirant du lexique qui décrit les phases de jeu du rugby. Pour rendre explicite, plus perceptibles, les enjeux qui s’imposent à notre manière d’être Église aujourd’hui et demain. Le rugby et l’Église sont reçus dans ce prisme original de lecture comme des lieux d’action. Des lieux d’actions collectives. Le moment détermine l’efficience de l’action ici et là. Dès lors : « Il faut faire preuve de «lucidité», sinon l’équipe court à la catastrophe […] l’Église protestante unie, notamment en Sud-Ouest, marque des essais, mais elle n’arrive pas à les transformer. Et comme nous sommes dans « un crunch », autrement dit, dans un moment crucial, il va falloir faire «des ascenseurs», c’est-à-dire soulever le partenaire pour qu’il attrape le ballon. C’est la raison pour laquelle ce synode est un peu «une chandelle» ; la chandelle, c’est lorsqu’un joueur renvoie un ballon très haut afin de laisser au reste de l’équipe le temps de se rendre au point de chute du ballon pour le récupérer » (Alain Pélissier). Pour y arriver ? Il faudrait « réinventer notre manière d’être Église et de tenir, à la fois, la fidélité et le renouvellement…Changer le braquet pour nous adapter, de réfléchir sur d’autres formes de témoignages, d’autres formes d’Églises » (Alain Pélissier).
Le débat
Prenant la parole à son tour, au nom de l’équipe de réflexion qui a élaboré le questionnaire pré-synodal et donné les noms aux différents ateliers, le pasteur Christophe Desplanque nous a conduits à la rencontre du livre de Christian A. Schwarz, Le développement de l’Église, choisi comme tuteur pédagogique de nos débats. Schwarz développe dans son livre un module de croissance de l’Église qu’il appelle : « le développement naturel de l’Église ». Huit critères de qualités sont assortis à cette méthode :
– a) Les responsabilités déléguées ;
– b) Le service selon les dons ;
– c) La spiritualité enthousiaste ;
– d) Les structures efficaces ;
– e) Les cultes édifiants ;
– f) Les groupes de maisons ;
– g) L’évangélisation adaptée ;
– h) Les relations amicales.
« Les dirigeants des Églises qui croissent s’efforcent de déléguer leurs responsabilités à d’autres chrétiens […] Ils inversent la pyramide de l’autorité : le dirigeant aide chaque chrétien à prendre les responsabilités que Dieu a prévues pour lui » (Christian A. Schwarz, Le développement de l’Église, Éditions Empreinte Temps Présent, 2005, page 22). Cette technique de croissance résulte de la mise à profit d’une enquête menée dans 1000 Église implantées dans 32 pays sur les cinq continents. C’est dans une ambiance bon enfant que les synodaux se sont séparés dimanche après le culte de clôture. Le cœur léger. Gardant en mémoire l’impératif de mettre leurs « talents » au service « des critères de qualités » qui favorisent la « croissance » de l’Église.