Dans le Poitou où le nombre de temples est en passe de devenir plus important que le nombre de fidèles, le défi est immense ! Et pourtant, certaines paroissiennes sont là pour nous rappeler ce qu’est la foi. Tout cela dit quelque chose de notre Église.

Des temples souvent assez froids, desservis une fois par mois selon un ordre qui est tout sauf régulier. Des paroissiens fidèles, mais de moins en moins nombreux, une foi ancrée et fragile en même temps. On pourrait être tenté de justifier la situation par la crise économique que traverse la région : « Ils quittent un à un le pays. » Et cela vaut pour les jeunes générations autant que pour les vieilles qui s’en vont aussi, en admirant un vol d’hirondelles.

Sauf que, à vrai dire, le problème, notre problème, n’est pas là : la population ne s’est pas vidée. Notre problème est que dans le grand brassage moderne et post-moderne, le protestantisme a cessé d’être pertinent. Le salut ne se trouve plus dans la religion, mais dans le cinéma, le sport et la musique, dans l’entreprise et l’engagement militant, dans l’argent et dans soi-même; dans tous ces lieux qui sont bons, mais où nous n’avons pas cru que Dieu viendrait. C’est pourtant aussi là qu’il sauve l’humanité. Ces terrains finalement délaissés pour nous concentrer sur le culte, nous n’avons alors fait que de renforcer le pouvoir véritable de ces lieux, nous avons laissé le terrain aux idoles. Pour contrer cela, chaque mois depuis décembre, nous nous réunissons pour un culte autrement. Il y a un invité, un chrétien, et un sujet de société.

Et, traditionnellement, de quoi partager à boire et à manger : du thé, du café, du broyé du Poitou, ou, pour la chandeleur, des crêpes et du cidre. On commence par un mot d’accueil, un chant, une prière, le sujet est présenté par l’invité et ensuite place au débat (si toutefois l’invité a laissé du temps pour débattre.) Il faut trouver un témoignage qui articule une foi et une action, ou du moins, un vécu.

« La foi, c’est l’assurance des choses que l’on espère et la démonstration de celles qu’on ne voit pas »

Quelque chose qui soit encourageant. Depuis le début, nous avons eu un catholique engagé dans la société et dans l’entreprise, et une fille de l’Armée du Salut, engagée dans l’Acat. Témoignages fantastiques, avec l’idée de pouvoir inviter ses amis distancés parce que ce moment-là est top !

Premier problème : il faut trouver un témoignage qui articule une foi et une action, ou du moins, un vécu. Après décembre et janvier, nous n’avons pas eu, en février d’invité spécial. Patatras ! Échec ! Oui, et bien, c’est bien partons de cet échec. Que s’est-il passé ? Absence de répondants des personnes engagées, manque de temps et de préparation. Mais aussi et surtout, ce qui désarçonne tout nouvel arrivant dans notre pays : en France, on ne parle pas de sa religion. Et c’est quand même un sacré tabou, qui fait qu’en-dehors de nos fidèles, et des quelques-uns avec qui nous avons des relations œcuméniques, nous ne savons pas, autour de nous qui a quelque chose à partager dans sa foi. Deuxième problème : encore plus terrible… qui est venu ?

Les mêmes, systématiquement, les fidèles parmi les fidèles, la fameuse sainte cohorte, restreinte cohorte ! Certes, nous n’avons pas bien communiqué. Toujours cette peur tenace d’une situation de « religion » minoritaire et qui a intériorisé comme une quasi-fierté sa clandestinité… Peur et fierté toutes deux autant partagées par le pasteur que par ses fidèles, soit dit en passant. Mais au fond de nous, la question, et c’est le troisième problème: est-ce que ce culte est de toute façon assez bien rodé ? Est-ce que nous avions prévu suffisamment de nappes ! Et l’eau chaude, on a oublié l’eau chaude ! Et je pense à J. qui a mis ces tables le 3 janvier, seul, alors qu’il est entre deux opérations d’articulations et je pense à S. qui doit monter sur une chaise pour allumer le chauffage. Chauffage, qui d’ailleurs, continue de chauffer par une sorte de miracle. Finalement voilà ceux que nous devrions avoir pour invités spéciaux. Seulement, eux, ne voudront pas prendre la parole. C’est leur honneur.

Enfin, le (re)commencement !

Alors, en février, pas d’invité spécial, aucun n’a été disponible. À la bonne heure ! On va pouvoir se parler. Mais il n’est pas facile de lancer la discussion dans un contexte où les malentendus sont autant d’épines sur un chemin où nous courrons pieds nus. On va commencer par prier un bon coup, remarquer que notre respiration s’est apaisée dans la prière, et reprendre à zéro. Qu’est-ce qu’un culte après tout ? Une louange, une lecture de psaume, une Parole qui surgit dans le creux de l’oreille. Basta ! Et c’est là qu’il reste à poser le cadre, pour permettre à cette parole d’arriver. Pour cela, chacun a écrit un souci ou une préoccupation sur une feuille. Et une autre personne présente l’a pris pour y répondre.

Certaines préoccupations étaient franchement décourageantes: «Ce qui me préoccupe, c’est le réchauffement climatique. » « J’ai peur pour le monde dans lequel mes petits-enfants vont grandir », « Le peu de renouvellement générationnel dans la paroisse. » ou encore: « C’est d’avoir de plus en plus de mal à me concentrer ». Difficile de répondre, mais tout de même, cela s’est fait : par une remise en perspective et par le rappel de la différence entre l’espoir (humain – causal – pour demain) et l’espérance (merci – spontané – pour aujourd’hui). Quant à la préoccupation : « «j’ai du mal à parler de ma foi », elle a reçu une magnifique réponse d’une paroissienne, G. : « « La foi, c’est l’assurance des choses que l’on espère et la démonstration de celles qu’on ne voit pas » (Hébreux 11). À celui qui me confie ses soucis, je dis simplement: « Ce soir, je prierai pour toi ». Et les gens me disent « Merci, ça m’a fait du bien ».

Il y a aussi les actions des chrétiens, je leur dis : « Ne te focalise pas que sur les prêtres pédophiles, mais regarde ce qu’a fait l’abbé Pierre, ce qu’a fait sœur Emmanuelle, ce que je fais aussi autour de moi » ». En y repensant, je me suis dit, le jour n’est pas loin où l’on pourra dire : « Cela, toi aussi, tu peux le faire ; tu peux le vivre aussi. » C’est a lors que nous avons pu conclure par une prière pour confier ces soucis (Cher lecteur, vous avez remarqué ? nous avons déjà mis en pratique ce que la dernière réponse disait), et par le chant : Tous unis, dans l’Esprit dont les paroles sont à conserver bien au fond de son cœur. Et puis le jour n’est pas loin où l’on reprendra cet autre chant : Debout, sainte cohorte. Voyez, pour ces folles idées, pas besoin d’aller chercher bien loin, du moment qu’on va assez loin. Il nous faut nous préparer par la prière à partager un moment de vie, et puis travailler à faire avec ce que nous avons, c’est-à-dire, avec ceux (et celles évidemment) que nous avons.