Le livre du Cantique des cantiques est une succession de poèmes qui racontent l’attirance d’un homme et d’une femme qui se cherchent, se désirent, se trouvent et se quittent finalement, car leur amour est impossible. L’expression Cantique des cantiques est un hébraïsme qui signifie le Cantique par excellence, ou le plus beau des chants.
L’image qui ressort du livre est celle d’un amour interdit entre une femme appelée la Shoulamite et son amant. Un scénario possible est que la Shoulamite appartient au harem du roi Salomon, ce qui rend son amour pour son bien-aimé impossible.
Le style est poétique, et plusieurs poèmes sont d’une sensualité troublante en convoquant tous les sens à travers les images suggestives, les parfums enivrants, les goûts, les musiques et les caresses. Certaines descriptions exhalent même un érotisme saisissant.
La question est de savoir ce que le récit d’une passion amoureuse – hors mariage – vient faire dans la Bible. La présence de ce livre dans le canon du Premier Testament a été débattue, il a finalement été retenu dans le corpus biblique parce que les commentaires rabbiniques en ont fait une lecture allégorique de l’amour de Dieu pour son peuple. À leur suite, les Pères de l’Église l’ont lu comme une image de la relation du Christ avec son Église. Cette lecture allégorique est possible, car la Bible file à plusieurs reprises la comparaison entre la relation amoureuse et la relation de foi. Les deux associent la passion et la fidélité, l’engagement et la fécondité. Si cette lecture est possible pour certains passages, appliquée à l’ensemble du livre, elle est problématique, car elle signifierait l’impossibilité de cet amour.
On est conduit à prendre le Cantique pour ce qu’il est et à entendre qu’un livre de la Bible est la célébration d’une passion amoureuse entre un homme et une femme qui se désirent charnellement. Il nous rappelle que la sexualité est un des lieux où s’exprime la dimension divine de l’existence. Comme l’amour est important dans la vie, si ce livre n’était pas dans la Bible, il manquerait.
Contre le mariage des jeunes filles
Un verset énigmatique du Cantique dit : « Nous avons une petite sœur qui n’a pas encore de seins ; que ferons-nous pour notre sœur le jour où on la demandera en mariage ?[1] » Le verset qui suit laisse entendre que si la jeune sœur oppose une muraille à cette demande, il faut l’encourager ; et que si elle ouvre sa porte il faut l’en empêcher. Un des messages du livre est son opposition au mariage des jeunes filles prépubères, car il nie leur féminité et les destine à devenir la propriété de leur mari.
[1] Ct 8.8.