Le dominicain Michel Froidure raconte qu’il a été pris en autostop par un conducteur intéressé par sa qualité de religieux qui l’a longuement interrogé sur les psaumes. Il lui a expliqué que, pendant la guerre il a été déporté en Allemagne et que c’est grâce aux psaumes qu’il a tenu le coup. C’était un compagnon de déportation qui les savait par cœur et qui les lui avait appris : « Il n’y avait que cela qui était à la hauteur du drame que nous vivions ! »
Ce témoignage nous permet de comprendre l’ambivalence de ces prières qui disent à la fois l’absence de Dieu, la misère de l’homme, le sentiment d’être abandonné et entouré d’ennemis ; et la louange, le cri de victoire, la grande affirmation du pardon et de la bienveillance de Dieu. Si nous considérons les Psaumes dans le registre de la dogmatique, ils sont incohérents, car ils disent une chose et son contraire. En revanche, si nous les entendons comme la parole de l’homme en lutte avec ses contradictions, ses échecs et ses ambivalences, ils sont à l’image de notre humanité.
Lorsque nous abordons les Psaumes, nous avons tendance à relire les plus beaux : les 8, 23, 33, 91, 103, 121, la première partie du 139… Quant aux autres, ceux qui parlent de maladie, de haine, de persécutions et de violence, nous les oublions et nous avons tort, car ils disent aussi la vérité de notre intériorité. Que ceux qui n’ont aucunes ténèbres, aucune rancune, aucun combat, et qui sont totalement transparents à la lumière de Dieu, oublient ces psaumes. Mais que tous les autres, ceux qui sont intérieurement partagés, divisés, troublés… trouvent dans ces prières la vérité de leur cœur !
La pasteure Christine Renouard qui est aumônier d’hôpital a écrit : « Les Psaumes peuvent nous aider à voir en nous-mêmes, car ils nous font plonger au fond de l’âme humaine. Ils parlent de moi, de vous, de nous. On trouve dans ce livre des désespoirs, des colères, des émerveillements aussi. Rien ne nous est caché des abîmes de souffrances ni non plus des éclats de joie. »
David et les Psaumes
Un commentaire rabbinique raconte que David est tombé en dépression après que Dieu lui a refusé la construction du temple, car il avait trop de sang sur les mains. Nous trouvons une marque de cette dépression dans le verset qui dit : « Je me fatigue à force de gémir ; chaque nuit je baigne mon lit de mes pleurs, j’arrose mon lit de mes larmes[1]. » C’est la rédaction acharnée des Psaumes qui lui a permis de s’en sortir.
Tous les dépressifs devraient écrire leur psaume pour accompagner leur traversée de la nuit.
[1] Ps 6.7.