Notre contexte nous fait redécouvrir les difficultés à tout maîtriser. Nous avons du mal à pouvoir tout programmer à l’avance : les jeunes couples pourront-ils se marier cet été ? Qu’allons-nous faire pendant les prochaines vacances ? Pourrons-nous maintenir la date de l’assemblée générale de l’association ?

Le temps compté

Le temps peut être imaginé comme étant une matière première de la vie de toute créature. Pour beaucoup, le temps est aujourd’hui inextricablement articulé à l’argent qui est devenu une autre matière première de la vie humaine. Le temps rémunéré permet de gagner de l’argent et le temps libre permet d’en dépenser. Tout temps humain est ainsi jugé selon son rapport à l’argent. Ce temps-là est compté, calculé, mesuré, monnayé, contrôlé, maîtrisé. Mais dans certains contextes, une telle maîtrise devient difficile et cela affecte alors notre regard sur nous-mêmes et sur les autres créatures.

Le temps hérité

Heureusement, le temps est aussi le temps reçu et vécu, le temps de l’intériorité en lien avec l’univers, le temps de la vie qui se transmet. La durée de la vie humaine est, au mieux, de l’ordre d’un siècle, si peu de chose par rapport à la durée de l’univers. Mais c’est assez pour s’émerveiller de la culture humaine accumulée depuis des millénaires. Chacun pourra laisser à son tour en héritage les fruits de son activité pour les humains et les autres créatures qui viendront poursuivre après lui l’épopée de l’univers.

Comme le dit Baden Powell, fondateur du scoutisme, « le véritable chemin du bonheur est de donner celui-ci aux autres », d’essayer de laisser l’univers un peu meilleur que nous ne l’avons trouvé et de participer à l’épanouissement de la vie autour de nous. Un autre exemple : devant l’hésitation de jeunes couples à « faire des enfants », l’astrophysicien Hubert Reeves répond : « Si vous estimez que votre vie en vaut la peine, alors… ne privez pas vos futurs enfants de ce que vous avez apprécié vous-mêmes. Donnez-leur leur chance ! » (Le Banc du temps qui passe, p. 130). Ou encore le compositeur, qui crée en se souvenant de ce dont il a hérité : et en même temps, il transmet l’émerveillement à ceux qui apprécieront son œuvre. Il participe et contribue ainsi à la beauté de la vie !

Le temps de la solidarité

Le temps qui passe, vécu, perçu et ressenti intérieurement, devient le lieu d’une solidarité entre générations. Dans l’arbre se trouve le fruit, dans le fruit la graine et dans la graine la vie qui recommence. « Un aspect remarquable de la vie est sa puissance à durer, à se perpétuer. » (Reeves, p. 16)

L’humain est appelé à s’inclure dans ce temps de la vie cosmique. Cela le rend humble, face à ses limites : il se souvient du passé, mais pas du futur.

La solidarité dans le temps des générations qui se succèdent s’articule à la solidarité dans le temps présent entre les différents éléments contemporains composant l’univers. Et la beauté de la diversité entre contemporains ouvre au temps de la contemplation : « Cet univers, c’est chez nous ! » Chaque chose arrive alors en son temps, puisqu’il y a un temps pour tout. Notre responsabilité d’exclure toute exclusion, en vivant ces deux types de solidarité, résulte de ce shabbat contemplatif qui humanise l’humain et l’humanité. C’est notre temps en tant qu’artisans de paix, de cette paix qui vient de la grâce.

C’est le temps de l’espérance active, alors même que tout peut s’effondrer. Au fond, la question que ce temps de l’espérance nous adresse est celle-ci : « Quelle espérance comptez-vous partager avec les générations futures ? ».