La diaconie est souvent traduite par le service dans nos Bibles. Les auteurs de l’Ancien Testament utilisent la plupart du temps le mot הֹד ָעב qui peut contenir l’idée de la fonction d’esclave (Gen 12,16), mais aussi celle de cultivateur (Gen 2,15).
La diaconie implique le rapport à l’autre. Aujourd’hui, de plus en plus, ceux et celles qui prennent le temps du recul par rapport au contexte dans lequel nous sommes pensent à l’autre créature. Ma responsabilité vis-à-vis d’autrui s’impose-t-elle à moi, sans que je sois libre de l’assumer ou de la refuser ? En d’autres termes, le service que je dois à autrui est-il une obligation qui risque de couper la parole de négociation libre entre lui et moi ? À ces questions, je parler de la sollicitude, telle que je la trouve chez le Bon Samaritain, dans la parabole que Jésus raconta à l’homme de Loi.
Devant un public protestant socialement militant, Paul Ricœur tient une conférence intitulée « Le socius et le prochain ». Il raconte la parabole du Bon Samaritain (L c 10 , 25 -37), qui parle du commandement : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Mais, « Qui est mon prochain ? » En commentant la parabole, Ricœur oppose deux attitudes : le monde du prochain et le monde du lien social. Le monde du prochain est celui des relations entre des personnes qui se rencontrent, prêtes à changer de route et à inventer un comportement imprévu, disponibles pour une rencontre vraie.
Dans mon rapport à l’autre, le service commence souvent par le désir, l’envie de rendre service, parce que c’est bon, et parce que je fais confiance dans les facultés qui m’ont été données. Ensuite, je le fais par devoir, parce que le vivre-ensemble est quelque chose de bien, de nécessaire, parce que le service est universel et humain. Mais le service crée souvent des conflits en moi, entre mes pulsions, mes intérêts personnels, familiaux, nationaux, et les multiples obligations morales, parfois incompatibles entre elles, que la présence de l’autre suscite en moi.
C’est dire que la diaconie, en tant que service, m’apprend souvent à chercher un équilibre, une cohérence dans mes convictions et mes actions. Pour le Bon Samaritain, il fallait choisir entre poursuivre ses obligations religieuses ou morales, ou bien s’arrêter et laisser filer son temps planifié pour prendre soin de l’homme blessé. Le conflit intérieur a été surmonté, en lui, grâce à cette voix de la conscience à lui adressée du fond de lui-même, qui l’a aidé à trouver la solution la mieux adaptée à la situation. Cette voix de la conscience est notre aide, notre servante, qui nous soutient dans le service. C’est elle qui me permet de trouver une cohérence, une identité, une continuité de moi-même, face aux différentes sollicitations en moi et hors de moi. Elle peut provenir d’une tradition de mes ancêtres, de règles liées aux éventuels multiples groupes humains auxquels j’appartiens, d’une idéologie, d’une éducation, de la nature érigée en obligation, des habitudes, ou de toute autre instance. Pour quelqu’un qui a intériorisé ce que nous appelons, dans notre protestantisme, l’éclairage ou l’illumination intérieure de l’Esprit saint, cette voix peut librement être celle de cet Esprit qui dialogue avec son esprit pour lui rappeler sans cesse qui il est : un enfant bien-aimé de Dieu (Rom 8,15-17). L’Esprit aide à créer une harmonie en nous !
Alors, engagez-vous ! Le prophète Ésaïe répondit : « Me voici, envoie-moi ! » (Esa 6,8).