En brisant les tablettes que Dieu lui a données après l’épisode du veau d’or, Moïse a-t-il commis un péché ? On pourrait le penser au sens où son acte semble manquer son but et seulement relever de la colère (32.19). Deux chapitres plus loin, pourtant, on est en droit de se demander si les nouvelles tablettes – et surtout l’introduction théologique à l’alliance qui va être conclue – ne sont pas meilleures que les premières.

Les dix paroles du chapitre 34 (peu importe leur nombre mais c’est dans la traduction grecque du verset 28 que le mot décalogue trouve son origine) ont un contenu purement cultuel et rituel, contrairement à celles du chapitre 20. C’est que le temps a passé. Le chapitre 34 porte vraisemblablement la trace d’un peuple sédentaire, célébrant des cultes et des fêtes en Terre promise. Ce qui n’a pas changé, c’est le nom du Seigneur, c’est la bonté infinie de Dieu qui défile lorsqu’il passe devant Moïse dans la nuée. Derrière la confession de foi des versets 6-7, saurais-je reconnaître ce Dieu qui me met face à mes responsabilités ?

Le Seigneur rappelle à Moïse l’acte pas très malin qu’il a commis en descendant de la montagne, mais il affirme aussi la relation intime qu’il souhaite avec chacune et chacun : un face-à-face, sans témoin, sans distraction pour se dérober. Certes, il est un Dieu exigeant et l’affirmation de la responsabilité individuelle semble buter sur le rappel de sa sévérité. Mais la punition dont il est question, littéralement la visite des péchés jusqu’à la quatrième génération, n’illustre-t-elle pas les conséquences sur nous des dysfonctionnements de nos aïeux ? Avec un rapport de trois ou quatre à mille, c’est pourtant la fidélité et le pardon de Dieu qui s’imposent largement sur la puni- tion. Son nom seul, interprété ici théologiquement, me donne la certitude de pouvoir en tout temps avoir accès à sa compassion. Marie ne chantait pas autre chose (Luc 1.49b-50).

Par Benjamin Limonet, pasteur de Moulins, Montluçon et Vichy