Si on demandait dans un micro-trottoir : « Qui est Dieu ? », on recevrait tout un tas de réponses différentes, mais toutes plus vagues les unes que les autres, du genre : « Peut-être qu’il existe quelque chose ».

Mais si quelqu’un répondait : « Je crois en Dieu », et qu’on lui posait la question : « Qui est Dieu pour toi ? », les réponses seraient peut- être plus précises, mais sans aucun doute beaucoup plus fortes : « Si Dieu existait, pourquoi y a-t-il tant de malheur et tant de guerres dans le monde ? » Ou : « Ne me parle pas d’Église, j’en ai ras le bol ! Tous des menteurs, des hypocrites, ils n’ont pas été là quand j’avais besoin d’eux, alors maintenant… »

C’était aussi le cas pour Gédéon.

Gédéon, un déçu de Dieu ?

Gédéon, pour moi, même s’il vivait il y a 3 500 ans, est l’exemple type de celui qui a été déçu par l’Église. On lui a raconté de belles histoires sur Dieu, qu’autrefois, il avait délivré le peuple de l’esclavage en Égypte, qu’il avait accompagné Abraham, Isaac et Jacob dans leur quête, qu’il avait été pour tous ces gens un Dieu libérateur…

Mais Gédéon vit à une époque difficile : Madian, une de ces tribus qui périodiquement venait rançonner les fermiers et pratiquer le politique de la terre brûlée, était en guerre avec la tribu de Gédéon.

Alors, ne venez pas raconter à Gédéon qu’autrefois…

Rien n’a changé sous le soleil : la situation d’il y a 3 500 ans est exactement la même qu’aujourd’hui ! Si on posait à Gédéon notre question de micro-trottoir « Qui est Dieu pour toi ? », on pourrait s’attendre à une réponse violente. C’est exactement ce qui se passe. Quelqu’un vient vers lui en le saluant avec les mots usuels : « Que le Seigneur soit avec toi. » Que le Seigneur soit avec toi !

Et lui, qui est en train de battre le blé dans un pressoir. Le comble, le blé doit être battu dehors, pour que la balle puisse s’envoler au vent et Gédéon le bat dans le pressoir aux raisins, en cachette. Tout ça pour échapper aux regards des ennemis, à l’affût du moindre butin possible… Ne lui parlez pas de Dieu, ne l’appelez pas « valeureux héros » !

Où est Dieu dans les situations de désespoir ?

Alors Gédéon se met à crier. Tout son désespoir, toutes ses interrogations sortent d’un seul coup : « Pardon, mon seigneur ! Si le Seigneur est avec nous, pourquoi tous ces malheurs nous sont-ils arrivés ? Où sont donc tous ces prodiges dont nous parlaient nos pères quand ils nous racontaient que le Seigneur les avait fait sortir d’Égypte ? En réalité, le Seigneur nous a abandonnés, il nous a livrés aux Madianites. » 

Si Dieu existe, pourquoi nous a-t-il abandonnés ?

La réponse de l’ange, ce messager de Dieu, ne contient pas de reproche du genre : « Je viens de Dieu, alors un peu de retenue ! » Non, Gédéon a le droit, comme nous tous, de crier son incompréhension, ses doutes, sa colère.

L’ange lui répond simplement : « Va avec la force que tu as ! »

Va, toi-même, fais quelque chose, ne te cache pas et va combattre ton ennemi !

Va avec la force que tu as !

Gédéon se dit faible, et Dieu lui qui dit que, justement, là réside sa force. Que là où il se sent impuissant, là il peut agir, redresser les torts, se battre pour un monde plus juste.

Qu’est-ce que ça peut bien nous dire aujourd’hui ?

Nous vivons dans une situation analogue : plus de la moitié de nos contemporains disent ne pas croire en Dieu, et voient dans l’évangile, au mieux, une morale à appliquer, une sorte de règle d’or. 

« Où est Dieu ? », dit le malade dans son lit, l’enfant battu, la personne déçue par l’Église.

Mais cette question même parle d’un désir, d’une attente : si Dieu existait… Si l’Église était… « Ce n’est qu’une chimère, la foi », se disent-ils, mais quand-même…

Aujourd’hui, ce ne sont plus les hordes barbares, mais des problèmes économiques, les catastrophes écologiques et toujours les guerres qui viennent brûler notre terre. Madian n’est qu’une métaphore pour dire les forces qui nous menacent, toujours et encore, et le cri de Gédéon est le nôtre.

Tu as la force, va, et utilise-la !

Mais écoutons alors la réponse qui nous est donnée : « Va avec la force que tu as ! »

Ce n’est pas : « Je ferai à ta place, tu n’as qu’à être comme un petit enfant qui attend de papa qu’il résolve tous les problèmes. » Non, toi-même, tu es capable de faire, d’agir, de réagir ! Tu as la force, va, et utilise-la !

Dieu voit plus de choses en nous, plus de capacités, que nous en lui… Il nous dit non pas ce que nous pensons être, et être capables d’accomplir, mais ce que Lui voit en nous. Des possibilités bien plus nombreuses que ce que nous soupçonnons. Même si nous sommes remplis de doutes, il nous répond et nous dit : « Va ! Va avec la force que tu as ! »

La force de Dieu n’est pas la force brute

Il nous envoie combattre nos ennemis, comme il a envoyé Gédéon, non pas avec une grande armée, mais avec notre courage, notre intelligence, notre ruse, peut-être, même. Lorsque nous nous plaignons que Dieu ne fait rien, il nous dit : vas-y, fais quelque chose, même petit, pour que le monde soit un endroit meilleur, plus habitable. Il nous envoie, vers les autres, pour venir à leur aide.

Il y a une très belle prière attribuée à saint François d’Assise qui dit :

Là où il y a la haine, que je mette l’amour,

Là où il y a l’offense, que je mette le pardon,

Là où il y a l’injustice, que je mette la justice…

Par Élisabeth Brinkman, membre du comité de rédaction

Texte biblique

Juges 6, versets 11 à 18 (Traduction Nouvelle Français Courant)

11 L’ange du Seigneur vint au village d’Ofra. Il s’assit sous le chêne de Yoach, un homme du clan d’Abiézer. Gédéon, fils de Yoach, était en train de battre le blé dans le pressoir à raisin, pour ne pas être vu des Madianites.

12 L’ange du Seigneur lui apparut et lui dit : « Le Seigneur est avec toi, vaillant combattant ! »

13 Gédéon répondit : « Pardon, mon seigneur ! Si le Seigneur est avec nous, pourquoi tous ces malheurs nous sont-ils arrivés ? Où sont donc toutes ces actions extraordinaires dont nous parlaient nos pères quand ils nous racontaient que le Seigneur les avait fait sortir d’Égypte ? En réalité, le Seigneur nous a abandonnés, il nous a livrés aux Madianites ! »

14 Le Seigneur se tourna vers lui et lui dit : « Avec la force que tu as, va sauver Israël des Madianites. C’est moi qui t’envoie. »

15 « Je t’en prie, Seigneur, répondit Gédéon, comment pourrais-je sauver Israël ? Mon clan est le plus faible de la tribu de Manassé et moi, je suis le plus jeune de ma famille. »

16 Le Seigneur déclara : « Je serai avec toi, c’est pourquoi tu battras les Madianites tous ensemble. »

17 Gédéon reprit : « Si tu m’accordes ta faveur, donne-moi un signe que c’est bien toi, le Seigneur, qui me parles.

18 Ne t’en va pas avant que je sois revenu avec l’offrande que je désire te présenter. » Le Seigneur répondit : « Je resterai ici jusqu’à ton retour. ».