À l’origine de ce livre, certainement écrit au fil des empires entre le 6e et le 4e siècles avant notre ère, on trouve dans les chapitres 1 à 20 dont la lecture nous est proposée, les oracles d’un témoin de la première prise de Jérusalem en 597. Ce prêtre Ézéchiel fut alors exilé en Mésopotamie, près d’un fleuve Kébar (le Khabour irakien ?) où, une dizaine d’années plus tard, il apprit la destruction de sa ville. Pour lui, cette catastrophe est moins imputable aux adversaires du Royaume de Juda qu’à ses propres habitants coupables d’avoir abandonné l’alliance avec leur Dieu. La vision extraordinaire dont se réclame le prophète le transforme en héraut de l’action du Seigneur qui ne se cantonne pas au pays où il est adoré.
La justice au cœur du livre
Le thème de la justice traverse de part en part ces chapitres d’Ézéchiel. Le prophète guetteur (chapitre 3) y instruit le procès de son peuple (chapitres 6 et 8). Il en publie par avance la sentence : leur ville sera détruite. Déjà le Seigneur quitte le temple de Jérusalem (chapitres 9 et 10). Juda était comme une femme prétentieuse et infidèle (chapitre 16). Elle sera semblable à une vigne livrée aux flammes (chapitre 15). En cela le Seigneur est juste car chacun est responsable de ses propres actes (chapitre 18). L’histoire d’Israël et de Juda en témoigne (chapitre 19).
Esquisse d’un Dieu au-delà des frontières
De plus, Dieu se fait entendre et connaître là où Il veut, quand Il le veut. Il n’est pas seulement le dieu national de Jérusalem et des Hébreux mais celui qui jugera les Nations comme il a déjà jugé son peuple en permettant sa défaite et son exil. Alors, par-delà la problématique de la chute de Jérusalem, Ézéchiel amorce une réflexion qui débouche sur une révolution théologique également perceptible dans les pages de Jérémie, contemporain d’Ézéchiel.
Quelque soixante-dix ans plus tard cette révolution trouvera son expression dans les oracles du deuxième puis du troisième Ésaïe: le Seigneur est non seulement Dieu de l’Exode d’autrefois, qui conduisit Israël à travers le désert, il est aussi le Créateur du monde. Il jugera tous les peuples et tous les peuples sont appelés à se tourner vers lui. On ne peut comprendre sa propre histoire dans le cadre étriqué d’un destin qui ne serait que national. C’est pourquoi déjà, quand Dieu interpelle Ézéchiel, prophète en exil, il s’adresse à lui comme à un être humain, un fils de l’homme à qui à nouveau il vient raconter le monde.