L’auteur de « Esther, le nom voilé », a, sous forme de dialogue avec le pasteur Jean-Pierre Nizet, fait découvrir à un public attentif la figure d’Esther dont le souvenir est vivace dans la mémoire juive.
L’invitée a rappelé comment l’« école du jeudi » de son enfance a éveillé en elle ce goût pour les histoires de la Bible, et notamment celles de ces femmes singulières (telles Rachel et Léa) dont le rôle est déterminant. Elle évoqua également la confection des oreillettes, sport national des protestants du Midi, qui, aux dires de sa grand-mère, n’étaient autres que « les oreilles d’Haman ». On comprend alors l’intérêt porté au livre d’Esther par Claudine Vassas, et cela d’autant plus que ce livre biblique est à l’origine de la fête de Pourim ; fête qui comporte notamment des rituels culinaires.
Une femme du côté du bien
Après un résumé du livre d’Esther fait par le pasteur Jean-Pierre Nizet, livre qui a la saveur d’un « conte des Mille & Une Nuits », Claudine Vassas souligne les situations de confusion, de retournements, de parallélismes entre les personnages (qu’aurait pu analyser un Claude Lévi-Strauss). Elle insiste sur le caractère festif du texte : on retrouve vingt fois le mot « festin » dans ce récit. Cette histoire s’achève par ce qu’on peut nommer le « carnaval des juifs » qui se perpétue jusqu’à nos jours par la fête de Pourim. Outre les rituels alimentaires, cette fête intègre le récit du livre d’Esther, récit théâtralisé par la représentation de chaque protagoniste, tout à la fois par les participants eux-mêmes, mais également dans des plats ou des pâtisseries (certaines représentant les parties du corps d’Haman). Ces représentations sont accompagnées de charivaris chaque fois que sont prononcés les noms de ceux qui sont considérés comme les « méchants » de l’histoire.
La présence cachée de Dieu
Se pose alors la question de l’introduction dans le canon biblique de cette histoire « profane » dans laquelle il n’est fait aucune mention du Tétragramme divin. C’est sans doute autour du personnage d’Esther qu’il faut chercher la réponse. Pour Claudine Vassas « la figure d’Esther a une dimension messianique ». Elle est comme « une présence invisible d’un personnage représentant le divin ». Ce que Jean-Pierre Nizet illustre par le fait qu’Esther est également un nom d’emprunt « qui cache la véritable identité » de celle qui se nomme Hadassa. « Dans de nombreux commentaires, Esther a souvent été associée à la Shekina », c’est-à-dire la présence de Dieu parmi son peuple. Donc, bien que caché, le nom divin est bien présent dans ce texte, d’où sa présence dans le canon biblique.
La figure d’une résistance
Mais pourquoi « Esther, figure de l’exil » ? Dans son propos Claudine Vassas rappelle qu’« Esther est une figure d’espoir, de résistance, d’identité » dans une situation d’exil où la face de l’Éternel est présente bien que cachée. Et de citer comme exemple la dévotion portée à Sainte Esther par les Marannes, ces juifs portugais ou espagnols, contraints à se convertir au catholicisme. Et Jean-Pierre Nizet de conclure : « Un des enseignements du livre d’Esther est qu’il n’y a pas de destin, qu’il n’y a rien d’irrévocable ».