• Présentation du livre

Ésaïe 40 à 55 est considéré comme un livre en soi, appelé le Deuxième Esaïe. Un auteur anonyme, dans la mouvance de la pensée d’Esaïe, rédige ce texte environ 160 ans après Esaïe. Il évoque la fin de l’exil à Babylone vers 540 avant J.-C. Un message d’espérance et de renouveau retentit pour les exilés comme pour ceux qui sont restés à Jérusalem sous le joug étranger. Jérémie et Ézéquiel avaient interprété l’exil comme un jugement de Dieu envers son peuple. Le nouveau prophète proclame la fin de ce temps douloureux. Il porte au peuple un message de réhabilitation. Il dénonce l’inanité des idoles païennes. Le Seigneur jugé impuissant puisque son peuple a été vaincu est présenté, au contraire, comme sauveur et créateur du monde. Le livre est célèbre pour ses chants évoquant un mystérieux Serviteur.

  • Texte biblique

1 Réconfortez mon peuple, c’est urgent, dit votre Dieu.

2 Rassurez Jérusalem, criez-lui qu’elle en a fini avec les travaux forcés, et qu’elle a purgé sa peine.  Car le Seigneur lui a fait payer le prix complet de toutes ses fautes.

3 J’entends une voix crier : « Dans le désert, ouvrez le chemin au Seigneur ; dans cet espace aride, frayez une route pour notre Dieu.

4 Qu’on relève le niveau des vallées, qu’on abaisse montagnes et collines ! Qu’on change les reliefs en plaine et les hauteurs en larges vallées !

5 La glorieuse présence du Seigneur va être dévoilée, et tout le monde la verra. Tel est l’ordre du Seigneur. »

6 J’entends une voix qui dit : « Fais une proclamation ». Mais je réponds : « Laquelle ? » La voix reprend : « Celle-ci : Le sort des humains est précaire comme celui de l’herbe. Ils n’ont pas plus de vigueur que les fleurs des champs.

7 L’herbe sèche, la fleur se fane, quand le souffle du Seigneur est passé par là. – C’est bien vrai, les humains ont la fragilité de l’herbe. –

8 Oui, l’herbe sèche, la fleur se fane, mais la Parole de notre Dieu se réalisera pour toujours. »

9 Peuple de Jérusalem, monte sur une haute montagne. Peuple de Sion, crie de toutes tes forces. Tu es chargé d’une bonne nouvelle, n’aie pas peur de la faire entendre. Dis aux villes de Juda : « Voici votre Dieu.

10 Voici le Seigneur Dieu. Il arrive plein de force, il a les moyens de régner. Il ramène ce qu’il a gagné, il rapporte le fruit de sa peine.

11 Il est comme un berger qui mène son troupeau et le rassemble d’un geste du bras ; il porte les agneaux contre lui et ménage les brebis qui allaitent des petits. »

(Ésaïe 40,1-11)

  • Le commentaire de Françoise Pujol, pasteure du Lauragais

J ’aime beaucoup ces lignes d’Ésaïe 40,1-11 ! C’est un des nombreux passages de l’Ancien Testament qui communique un message de réconfort, une bonne nouvelle (v. 9) : celle de la venue d’un Dieu libérateur, étonnamment proche. L’exil à Babylone, qui a été interprété comme une punition, est bien fini. Jérusalem, figure de tout le peuple, a purgé sa faute. On pourrait aussi traduire, elle est graciée de sa faute. Et le reste du livre montre que c’est bien Dieu qui pardonne et redonne vie à son peuple. Le pardon revêt la forme concrète du retour d’exil. Le passé est révolu, un avenir s’ouvre.

De plus, cet te bonne nouvel le doit être transmise par des voix anonymes. Les exilés et les habitants de Jérusalem doivent faire passer le message libérateur. C’est une action collective. Dieu prend la parole en premier, appelant à réconforter son peuple. À partir de là, surgit une cascade de la parole, une voix en interpellant une autre. Elles se font passer le message de la parole agissante de Dieu. Un contraste très fort est énoncé, opposant l’être humain dans sa faiblesse à la solidité de la parole de Dieu. L’humain (y compris les rois) est comme une plante, qui dans sa fragilité ne peut pas tenir devant Dieu.

Il ne peut pas se sauver par lui-même. Mais la parole de Dieu, elle, « se lève pour toujours », elle a le dernier mot. Le salut qu’elle annonçait, par-delà l’exil, va s’accomplir.
Chemin de vie Enfin, il est question d’une manifestation bouleversante de Dieu. Un grand chamboulement géographique doit avoir lieu pour tracer la route du retour. Plus loin, on lit que c’est Dieu lui-même qui le réalise. De Babylone à Jérusalem, normalement on ne rentre pas par le désert, mais on suit les routes du croissant fertile. Dieu, lui, va conduire directement les siens, par le désert en un nouvel Exode. Alors la gloire de Dieu, c’est-à-dire son « poids », sa réelle action dans le monde, seront manifestés. Où ? Dans la troupe des anciens vaincus qui rentrent chez eux ! Les quatre évangiles s’ouvrent sur cette image de la route à frayer. Jésus, qui va paraître, est le Seigneur mettant fin à tout exil : la consolation en personne.

Le Dieu qui va conduire les siens est un berger : au Proche-Orient ancien, c’est une image de la royauté. La force le caractérise. Il a la capacité d’arracher les siens à la puissance de mort de Babylone. En même temps, on lit la si touchante image du berger, plein de tendre sollicitude pour les plus faibles du troupeau. Il est Dieu avec eux, avec nous, tout proche, soutien compatissant.

  • Histoire

En 587 avant J.-C., Jérusalem et son territoire ont été vaincus et pillés par les Babyloniens conduits par Nabuchodonosor. Il a déporté à Babylone le roi de Juda et une partie de la population, l’élite. Le pays est occupé. Une cinquantaine d’années plus tard, le roi des Perses, Cyrus devient le nouveau maître du ProcheOrient. Notre texte se situe dans la période où les conquêtes de Cyrus sont connues (entre – 550 et – 539). Elles aboutiront à la prise de Babylone sans combat en 539 avant J.-C. Cyrus y est accueilli par la population locale comme l’élu du dieu Mardouk, la divinité du lieu. Il remplace le dernier roi, Nabonide, qui s’était mis à dos le clergé de Mardouk et la population. L’édit de Cyrus, en – 539, autorise le retour des populations déportées, dont les Judéens, chez elles. Cyrus leur permet également la pratique de leur culte. Le jeune conquérant veut se faire ainsi des partisans des anciens vaincus.

  • Glossaire

Réconforter : le sens premier du verbe en hébreu est « ranimer la respiration, pousser un profond soupir ». On le traduit souvent par «  consoler  » (par des mots et des actes), d’où le surnom du livre : Le livre de la consolation (ch. 40-55). Le terme a aussi le sens juridique de réhabiliter.

Parole : le mot hébreu signifie aussi l’action. La parole de Dieu agissante dans le monde est centrale en Ésaïe 40-55. Elle se dresse pour toujours en Ésaïe 40,8 : elle a une solidité absolue. À la fin, en Ésaïe 55,11, son efficacité est proclamée.

  • Pour méditer

• Quelle bonne nouvelle je reçois pour moi à travers ce texte ?

• En ce moment à quel épisode en suisje ? En exil, découragé ? En exil, entendant une parole qui relève ? Déjà en route vers la vie en plénitude à la suite de Dieu ? engagé pour témoigner… ?

• Comment puis-je être aujourd’hui une des voix anonymes transmettant une bonne nouvelle de la part de Dieu ?

• Quelle espérance pour l’être humain si fragile (mortel et pécheur) ?