Avec son humour caustique, elle a cloué au pilori ce livre critiquant le féminisme actuel et, par le même temps, les religions accusées d’être toutes le bras armé de l’oppression des femmes. Faut-il contester ?
Sophia Aram connaît bien les religions. Son premier spectacle, Crise de foi, s’en moquait. Sa chronique sur France Inter est souvent consacrée aux religieux de tous bords, aux extrémistes de tous poils. Mais il est rare qu’elle cite l’écriture. C’est pourtant ce qui est arrivé lundi 9 mai 2016.
Une lourde charge
Alors qu’elle critiquait vertement le dernier livre d’Eugénie Bastier, consacré aux femmes et à la double menace qui pèse sur elles, « le féminisme radical soumis aux idéologues homosexuels convertis à la théorie du genre » et « l’islamisme radical », Sophia Aram déclame, avec une pointe d’ironie à peine voilée, celui qu’elle nomme Saint Paul : « Ah ! Eugénie, Eugénie, comment te dire ? qu’il suffirait peut-être de relire Saint Paul dans son (sic) Premier Épitre aux Corinthiens, je cite : « le chef de tout homme c’est le Christ, le chef de la femme c’est l’homme, le chef de Christ c’est Dieu. », pour comprendre qu’à des degrés divers aucune religion n’a jamais été l’amie des femmes surtout lorsque, quelques lignes plus loin, Saint Paul fait un pas de plus pour « libérer » les femmes en expliquant que « toute femme qui prie ou qui prophétise tête nue, fait affront à son chef. Et si la femme ne porte pas de voile, qu’elle se fasse tondre ». Ce qui fait de Saint Paul un avant-gardiste précurseur d’une mode vestimentaire qui aura son petit succès au Moyen-Orient et d’une pratique éphémère qui surgira temporairement au moment de l’épuration. Si ça ce n’est pas un féministe, moi je m’achète une paire de roubignolles ! » La charge anti-chrétienne, anti-paulinienne est lourde.
Profondément réaliste et injuste
E pourtant ! Il convient de reconnaître que cette critique adressée au christianisme, et plus généralement aux religions, est fondée. Oui « aucune religion n’a jamais été l’amie des femmes ». La religion oppresse. Par nature, ai-je envie de dire. Mais Jésus, lui a bel et bien été un libérateur de la femme. Nul ne peut contester qu’elles furent nombreuses à le suivre. Jusqu’au bout, jusqu’au tombeau. Alors même que les hommes, ces champions de la foi avaient fui ou, pire, renié le maître. Elles furent séduites par son message, son évangile qui les libérait du pouvoir écrasant du mâle, de leur rôle de servante et de mère. Avec lui et au sein des disciples, elles se retrouvaient dans une « communauté d’égaux ». Paul a continué cette voie de libération de la femme, contrairement à ce que pensent bien des personnes, même au sein de nos églises. La preuve : les femmes n’ont jamais été aussi nombreuses dans un mouvement religieux ! Et pas à des postes subalternes… Contrairement à ce qu’a pu penser Martin Luther en son temps, Junias n’est pas un homme mais une femme.
Ce sont les deux partenaires du couple que Paul reconnait comme apôtres : « Saluez Andronicus et Junias, mes parents et mes compagnons de captivité. Ce sont des apôtres éminents et ils ont même appartenu au Christ avant moi » (Romains 16,7). De même, dans le passage cité, l’étude minutieuse du texte montre que, après avoir cité dans la première partie les arguments des Corinthiens (verset 5-9), Paul les conteste un à un dans la seconde partie. Au final, pour lui, la chevelure a été donnée comme voile à la femme. Elle peut donc prier et prophétiser sans, ayant pour ainsi dire un voile naturel sur la tête.
La foi
Les successeurs de Paul tenteront et arriveront à stopper la libération de la femme initiée par Jésus et par Paul. Mais si les religions oppressent par ailleurs hommes et femmes pour assouvir leur soif de pouvoir, la foi, quant à elle, libère en puisant à la source des Écritures.