La Bible n’est pas un livre mais une « compil » qui relie des ouvrages plus ou moins longs, des collections de proverbes ou de « belles pensées », des traités sur la vie et la foi, des récits d’histoires en lien avec la spiritualité, et même du courrier. Entre le premier volume et le dernier, 1500 ans de rédactions diverses pour relater une aventure humaine tendue vers le ciel, une saga unique dont le personnage central est présent du début à la fin, laquelle est encore à venir. Pas moins de quarante auteurs apposent leur signature plus ou moins affirmée, tant l’écrivain s’efface pour mettre en exergue un Dieu à raconter et à rencontrer.

Le talent des copistes

De siècle en siècle, cette bibliothèque exceptionnelle a été copiée, recopiée parce qu’il fallait sauvegarder ce qui permet d’être sauvé de l’éphémère et du non-sens. Si les auteurs ont trempé leur plume dans l’encre, dans la sueur et parfois même dans le sang pour transmettre le plus surprenant des messages, les copistes y ont consacré toute leur attention et leur science pour respecter une écriture qui devient Parole.

Parce que des doutes peuvent parfois être émis et qu’il est juste de se demander si nous lisons aujourd’hui ce que les auteurs, en leur temps, ont effectivement écrit, il convient de préciser comment les copistes, depuis plus de vingt siècles, ont travaillé pour ne pas trahir ou transformer, corriger ou déformer les textes initiaux. Pour ce faire, voici juste un exemple tiré de la tradition juive pour recopier la Torah, l’équivalent des cinq premiers livres de l’Ancien Testament.

Le copiste connaissait le nombre de chaque lettre des textes recopiés. Autant de A, de B, de M, de T ou de S. Au total 815 140 lettres. Le travail terminé, il recomptait chaque lettre et devait, naturellement, tomber juste. Si le comptage mettait en relief une erreur quelque part, un N en trop ou un P manquant, la copie était considérée comme incorrecte et détruite. Il fallait recommencer. Le copiste savait également qu’au centre parfait de la Torah se trouvait une lettre précise : un wâw. Il écrivait cette lettre légèrement plus grande que les autres. À la fin de son ouvrage, il devait vérifier que de part et d’autre de ce wâw il y avait bien 15 402 lettres. Le plus sur- prenant, c’est que cette fameuse lettre hébraïque à la forme d’un crochet, d’un clou ; comme celui que l’on plante pour placer un tableau, et l’équilibrer.

Par Éric Denimal, auteur du livre « Le zapping de la Bible » (éd. Larousse)