Les protestants eux-mêmes se disputent sur le sens de ce moment du culte. Est-ce un repas comme les autres ? Un symbole ? Un rite ? Un sacrement ?

Bien qu’appelé certaines fois le repas du Seigneur, ce n’est pas un repas comme les autres. Ce n’est pas un pique-nique non plus. C’est ce qu’on appelle un sacrement et c’est l’un des deux sacrements (seulement) des protestants. Un sacrement : c’est-à-dire un geste institué par le Christ lui-même et accompagné d’une parole lui donnant toute sa signification. « Ceci est mon corps » en parlant du pain et « ceci est mon sang » en parlant du vin, avant de le donner ou de la partager. Une des difficultés est que les textes nous rapportant ce dernier repas de Jésus avec ses disciples ne sont pas identiques. Outre la richesse due à cette diversité, il faut jongler avec les aspérités : seuls deux des 4 textes nous demandent de le reproduire : « faites ceci en mémoire de moi ». Et pourtant, presque tous les chrétiens (sauf les Quakers et les Salutistes) reproduisent ce geste. Ils avaient vraisemblablement même commencé à le faire avant que cela soit écrit dans les évangiles et dans la Première Épître de Paul aux Corinthiens : ces récits reprenant des traditions liturgiques déjà éprouvées.

Pain de vie

D’autre part, on a coutume de dire que l’évangéliste Jean ne parle pas du tout de la cène et que lors de ce dernier soir, il la remplace par le lavement des pieds. Mais c’est sans compter avec le chapitre 6 de cet Évangile dans lequel Jésus se présente comme étant le pain de vie. Jean y tient des propos équivalents à ceux que nous connaissons et utilisons pour l’institution de la Sainte-cène. Jean Calvin disait que les sacrements étaient des « béquilles » pour la foi. Ainsi, pour lui, et pour de très nombreux croyants après lui, la Sainte-cène, notamment, est un rite pédagogique qui permet de découvrir voire d’expérimenter que Jésus-Christ est le Seigneur. La répétition de ce rite soutient la foi. Bien sûr, il y a des questions qui ne cessent d’être débattues autour de la « présence » réelle, symbolique, spirituelle de Jésus dans ce repas. Mais la question fondamentale, pour moi, me semble ailleurs : la célébration de la Cène nous aide-t-elle à vivre entre nous et au-delà de notre cercle la fraternité voulue par le Christ ? La célébration de la Cène nous fait-elle comprendre, comme le lavement des pieds, qu’il nous faut être au service de nos frères et de nos sœurs et de Dieu ? Je nous laisse avec ces questions.