Que faut-il pour être heureux ? Être en couple ? Avoir des enfants ? Suivre un modèle, mais lequel ? Et la Bible dans tout ça ?
S’il y a un personnage biblique atypique, c’est bien l’eunuque éthiopien, «héros» du chapitre 8 du livre des Actes des Apôtres. On ne connaît pas son nom, mais on apprend de cet homme qu’il est très riche, ministre des Finances de la reine d’Éthiopie. Et pour accéder à ce poste élevé, il a dû accepter d’être mutilé. Cet homme revient de Jérusalem où il est allé adorer, et il lit, à voix haute le livre du prophète Ésaïe. Étonnant personnage, qui d’un point de vue extérieur est riche de tout ce que l’on peut imaginer, mais qui pourtant manque cruellement de l’essentiel : le respect des autres, la reconnaissance de sa place dans la société, mais également la possibilité d’être accueilli dans la religion qu’il a apparemment choisie. En effet, les eunuques étaient méprisés aussi bien des Romains que des Juifs, et en aucun cas ils ne pouvaient entrer dans le temple de Jérusalem ni se convertir au judaïsme. Quand il est abordé par un étranger qui sans préambule lui dit : « Comprends-tu ce que tu lis ? », au lieu de se fâcher, il reconnaît sa difficulté à comprendre les textes saints et invite Philippe à monter dans le char pour en parler. Au terme de la discussion, Philippe baptise l’eunuque éthiopien, immédiatement.
Dieu s’adresse à chacun
Que Dieu mette en œuvre autant de moyens pour atteindre l’eunuque éthiopien (ange, Esprit, Philippe…) me fait comprendre que Dieu veut s’adresser à tous les hommes et les femmes, sans distinction aucune. Riche ou pauvre, Éthiopien ou Canadien, blanc, noir, ministre des Finances ou migrant pourchassé, avec un réseau social très étendu, ou seul au monde, sans amis et rejeté de tous. La Parole de Dieu s’adresse à tout être humain, sans distinction de couleur, de culture ou d’identité sexuelle. Les évangiles se plaisent à montrer Jésus allant à la rencontre des exclus. Comme Jésus dans les évangiles, comme Philippe sur la route de Gaza, aujourd’hui Dieu veut être en relation avec chacun, quel qu’il soit.
De la nécessité de la faille
Pour accueillir cette relation que Dieu propose, il faut au préalable qu’il y ait un petit peu de place dans notre vie pour le questionnement, l’interrogation, la conscience d’un manque. Le ministre des Finances éthiopien avait un poste envié, mais il avait dû consentir au sacrifice de son intégrité et pour cela, il était aussi méprisé. De cette faille naît une interrogation sur le sens de sa vie, et une recherche qui l’a conduit vers une spiritualité étrangère à son peuple. Dieu peut envoyer un grand nombre de messagers, il peut se manifester par des miracles ou des choses époustouflantes, mais s’il n’y a pas de place pour lui dans ma vie, il agit en vain.
De la mort à la vie
Très curieusement, on ne sait rien du dialogue entre Philippe et l’Éthiopien. On sait seulement que le texte en question était celui du serviteur souffrant, dans le livre du prophète Ésaïe. On ne peut que supposer que Philippe a expliqué comment Jésus a accompli la prophétie d’Ésaïe. C’est lui qui a été humilié, tué par les hommes et ensuite relevé par le Père. La vie a eu le dernier mot sur la mort. Le baptême de l’eunuque éthiopien illustre ce passage de la mort à la vie, de l’exclusion à l’accueil. Et cet accueil ne demande pas de passeport, de visa ni de certificat de bonne conduite. Il n’attend pas non plus que l’on soit marié ou pas, en couple ou pas, avec enfant ou sans.
Il n’y a pas de modèle institué dans la Bible. Quel que soit le type de famille qu’on essaie de vivre, il y a une capacité de Dieu à relever et faire vivre l’impossible.