L’on imagine volontiers la théologie austère et sage, engoncée dans un carcan de déclarations figées, et la littérature intrépide, jouant sur les ailes du vent – et donc une rencontre impossible ou, au mieux, peu intéressante. Heureusement, ce n’est là que caricature. Car d’une part la théologie elle-même est d’abord littérature, constituée d’une inépuisable bibliothèque de genres littéraires les plus divers, depuis la Bible elle-même (en grec, bible signifiant, à juste titre, les livres) jusqu’aux écrits d’une multitude exponentielle, qui gravitent autour de ces fondements scripturaires au fil des siècles.

D’autre part, opposer les deux disciplines serait également faire fi de leurs abondantes influences et fertilisations réciproques. Dans l’herméneutique biblique, de nombreuses méthodologies d’analyse littéraire ont influencé la recherche, comme la sémiotique, la rhétorique, la narratologie … sans parler de nombreuses inspirations spirituelles, comme nous en verrons dans nos échantillons. Et de son côté, la littérature n’a jamais été avare de références explicites ou allusives à des textes bibliques, le plus souvent détournés pour en éclairer de nouvelles facettes ou s’en démarquer. Des théologiens influents travaillent au croisement de ces champs, pour le plus grand profit d’un lectorat à la fois féru de littérature et de théologie.

D’où l’intérêt pour la littérature comme théo-logie. Par ce titre, dans un cours-séminaire que j’avais donné à la Faculté de théologie protestante de l’Université de Genève, j’avais incité les étudiants et étudiantes à interroger des pièces littéraires de leur choix quant à leur capacité d’exprimer quelque chose de Dieu – ou plus largement, d’une transcendance. Or la plupart des présentations s’intéressèrent non tant au contenu exprimé explicitement dans l’œuvre qu’à sa capacité de […]