Notre Bible s’ouvre par l’histoire d’un meurtre. Celui d’Abel (qui signifie « buée ») par Caïn. Le sang versé s’enracine dans un « sentiment d’injustice » :
« Pourquoi l’offrande d’Abel et pas la mienne? » Aujourd’hui, nous sommes nombreux à éprouver le même sentiment d’injustice, même si les raisons sont différentes : «Pourquoi n’ai-je pas d’emploi alors qu’eux en ont?»,
« Pourquoi dois-je me débrouiller tout seul pour mon logement, mes factures, alors qu’eux bénéficient de toutes sortes d’aides ? »,
« Pourquoi leurs aides sont-elles plus rémunératrices que mon emploi ? », « Pourquoi ? ». L’histoire de Caïn et Abel place le sentiment d’injustice comme inexpliqué. À jamais insoluble. L’important n’est pas mon sentiment d’injustice mais l’injustice.
Le drame de la non-parole
Caïn, rempli de ce sentiment d’in-justice, va voir son frère Abel pour lui parler. Dans le texte hébreu, littéralement, il est écrit : « et lui dit… ». Puis plus rien. Comme si Caïn n’avait pas su, pas pu, pas voulu parler. Comme si la haine l’avait empêché. En l’absence de mots, Caïn va laisser parler son sentiment d’injustice : « celui qui n’a pas la capacité de s’exprimer risque de se faire violence ou de violenter ». Aujourd’hui, nous sommes nombreux à ne plus savoir parler. Nous nous glorifions de vivre dans une société de la communication, mais la parole n’a jamais été aussi absente. Nous préférons souvent passer notre temps sur notre portable que de parler avec nos […]