Ni recommandations, ni jugements de valeur mais, de Jésus à Jacques, «un simple moyen» dont il s’agit de discerner «quand il peut être utile, quand il peut devenir un obstacle et quand il ne sert à rien»«un symptôme de la liberté ou de sa mise en échec».

Texte paru dans Foi&Vie 2018/2.

L’argent, pris pour lui-même, ne fait pas partie des thèmes traités dans le Nouveau Testament: qu’est-ce que l’argent, qu’est-ce qui a conduit à inventer ce langage des échanges, abstrait, composé d’objets inutilisables, mais conventionnels, utilisables universellement et clairement quantifiables, susceptibles donc de devenir le support de toutes opérations mathématiques? Quels sont les avantages de cet étalon? Qui peut le produire, en édicter la valeur, le mettre en circulation et en contrôler l’usage? Et à qui appartient-il?

Formuler ces questions permet de comprendre que les évangiles et les épîtres, lorsqu’ils considèrent le phénomène de l’argent, n’entrent pas en discussion sur l’argent – ou sur la finance, comme pourra et devra le faire Calvin, par exemple, dans un autre temps, à partir d’une autre position et dans une autre réalité politique. Ils s’intéressent à ce que l’argent révèle de l’âme humaine lorsque les esprits l’introduisent dans leur conversation intime, dans leur réalité quotidienne et en tissent leurs échanges et leurs rapports sociaux.

Les questions qu’ils s’accordent à poser pourraient, je crois, se résumer ainsi :

– Qu’est-ce que la relation que l’âme humaine établit avec l’argent révèle de l’identité du sujet et de l’image qu’il se donne ou qu’il se condamne à recevoir de lui-même?

– Qu’est-ce qui, dans l’âme humaine, détourne l’argent de sa qualité d’un moyen, qui permet l’édification de grandes choses et devrait assurer la prospérité d’un monde équitable, pour lui conférer l’emprise d’une addiction, destructrice du sujet lui-même d’abord, et de son environnement humain et social par conséquent?

– Comment se libérer du sentiment de dépendance, de l’illusion du pouvoir que l’addiction donne réellement à l’argent et imaginer une désacralisation libératrice de l’empire que lui sert l’humanité?

Faisons-en un petit tour, en commençant par la fin et en terminant par le commencement.

1. La puissance destructrice de l’argent – actualité de l’épître de Jacques

C’est l’épître de Jacques qui, selon son habitude, prend la peine de dresser un diagnostic concret et précis. Elle nous offre deux visions expressionnistes de la vie quotidienne qui semblent prendre le monde à rebours en mettant en évidence, par l’invective, la misère humaine à l’origine et à la fin du règne de l’argent.

1.1. Parole aux spéculateurs – Jacques 4,13-18

La première invective s’adresse aux spéculateurs.

De façon significative, elle vise une pratique, mais elle procède en mettant en évidence le langage qui tout à la fois la génère et souligne l’illusion dont […]