Par Sabine et Bertrand David, groupe interconfessionnel de Toulouse

Et pourtant le pardon découle de la grâce première d’un Dieu qui nous a aimés le premier et nous accueille sans condition, malgré notre péché. C’est le sens de la croix !

Lors de l’une de nos dernières réunions de notre groupe de foyers interconfessionnels, le pardon a été au cœur de nos échanges. Ce thème nous a particulièrement intéressés car il est un véritable questionnement : cet acte est si difficile et tellement peu naturel.

Étymologiquement, en grec, le mot pardon signifie « laisser aller ». Il ne s’agit pas ici de désinvolture mais d’un certain abandon ou encore, pour aller plus loin, d’une libération. Oui, pardonner c’est se libérer et ne plus en souffrir. C’est rétablir une relation brisée ! On ne peut donc pas pardonner seul, il faut au moins être deux et souvent davantage. Le pardon est un long processus qui engage une pluralité d’acteurs : l’offensé, l’offenseur et la société.

Matthieu nous invite dans le chapitre 18 à écouter notre offenseur : « Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul. S’il t’écoute, tu as gagné ton frère. Mais s’il ne t’écoute pas, prends avec toi deux ou trois personnes afin que toute l’affaire se règle sur la déclaration de deux ou trois témoins ». L’enjeu ici est bien d’être entendu ! Et si nous n’y arrivons pas seuls, le témoignage des autres donne un certain poids d’objectivité au mal subi. Alors que Matthieu parle d’entendre et d’écouter, Luc est en revanche sur le repentir… Mais aucun ne demande à l’offensé de comprendre ! C’est certainement aussi une autre difficulté du pardon dans une société où nous devons sans cesse justifier nos actes et comprendre les actions de chacun. Peu de laisser aller… Alors, peu de pardon ?

Le pardon passe donc par une relation mais pas forcément par un acte de compréhension et surtout pas par un acte d’oubli. Le pardon c’est tout sauf effacer une situation. Pardonner c’est transfigurer le souvenir du mal. Un pardon sans mémoire du mal subi n’est pas un pardon libérateur. Élie Wiesel, en rentrant des camps de concentration, a dit : « Qui a vu ce qu’ils ont vu ne peut être comme les autres. Ces êtres-là ont été amputés non d’une jambe ou d’un œil mais de la volonté et du goût de vivre. Je crois que si j’étais en mesure d’oublier, je me haïrais. » Le pardon n’est donc pas « oublier » mais « répondre » à un mal subi.

Pardonner, c’est transfigurer le mal subi, pour vivre avec la cicatrice de cette blessure, sans rancœur et sans comprend re les actes de l’offenseur… Et quoi d’autre encore ? Le processus de pardon passe aussi par la colère. Matthieu (5,29) souligne que le passage par la révolte est nécessaire pour assumer le pardon. Le processus de pardon est long et c’est bien ainsi. Il est jalonné par plusieurs étapes et ne doit surtout pas être accordé trop vite. Un pardon « au rabais » ne soulage personne et a toutes les chances de ne pas être authentique. Le pardon est un acte difficile, long. Il rétablit une relation abîmée mais de façon différente. Il permet à la personne blessée de vivre à nouveau. Le pardon a quelque chose de créateur, de renouveau.

C’est un acte de liberté qui laisse place à la vie. Le pardon deviendrait alors synonyme de résurrection ? Quelle bonne nouvelle ! Alors ne nous ménageons pas et osons le pardon !