Dans le judaïsme, Élie a un très grand prestige. Au repas familial de la fête de la Pâque, une place lui est réservée autour de la table. Il est présent lors de chaque circoncision. À part l’obscur Hénoch (Gn 5,24) il est le seul à échapper à la mort en étant élevé au ciel (2R 2,11).
Un inconnu destiné à être reconnu par Dieu
« Élie est un homme du village de Tishbé en Galaad » (1R 17,1). Le texte ne dit pas de qui il est le fils. Ce silence est lourd des grandes choses à venir. Élie annonce au roi Akab : « pendant plusieurs années, il n’y aura pas de rosée et pas de pluie sauf si je le commande ». Par délégation du Dieu d’Israël qu’il sert, il a donc un pouvoir extraordinaire.
Et d’ailleurs cela marche si bien que même le torrent auquel il s’abreuvait finit par s’assécher. Mais le Seigneur veille et il l’envoie chez la veuve de Sarepta. Celle-ci vit avec son fils dans un complet dénuement. Première action extraordinaire d’Élie : l’huile et la farine ne diminuent pas. Et puis, à la prière d’Élie, le Seigneur ressuscite le fils de la veuve qui vient de mourir. Et c’est seulement alors « qu’elle sait qu’il est un homme de Dieu. »
En lutte contre le pouvoir royal
Chargé par le Seigneur d’annoncer au roi Akab que la pluie va revenir, il va d’abord lancer un défi aux prophètes de Baal. Il faut l’entendre, sûr de lui-même, les ridiculiser. Le défi tourne à la défaite complète des prophètes du faux Dieu et Élie fait exécuter les 450 prophètes. La force et la violence dans un seul mouvement ! Informée, la reine Jézabel envoie un messager à Élie pour lui annoncer qu’elle le fera exécuter le lendemain… Au lieu de lui envoyer des gardes pour le saisir ! Elle devine sans doute que la plus grande souffrance est celle qu’il va s’infliger à lui-même par la rumination mentale.
En effet cet homme fort (il est capable de courir 30 km devant le char d’Akab, cf. 1R 18,36), va s’écrouler. Torturé par la peur et le désespoir, il abandonne son serviteur à Berchéba et part seul dans le désert.
Relevé par l’amour de Dieu
Par deux fois, le messager du Seigneur lui enjoint de prendre soin de lui-même et il va se lever pour marcher jusqu’à l’Horeb (le Sinaï). Et c’est là que le Seigneur va passer. Élie est seul : rien ne dit que les phénomènes que le texte rapporte seraient des phénomènes extérieurs. C’est dans son esprit agité que l’on peut voir ces manifestations : le vent violent, le tremblement de terre, le feu.
Et par trois fois, Dieu n’y est pas ! Et puis « la voix d’un silence subtil »… Et le texte n’ajoute pas l’affirmation qu’on attend, comme pour nous faire vivre ce silence avec Élie.
« Un amour brûlant » pour Dieu
Élie a vécu ce que saint Jean de la Croix appelle « l’extinction des puissances ». Sa raison, sa volonté et sa mémoire ne sont pour rien dans ce don de la présence de Dieu. Ce silence est tout vibrant de la présence de ce Dieu pour lequel il « a un amour brûlant ». Après cette illumination, Élie est transformé. « Jusqu’où ? », peut-on se demander d’un point de vue chrétien. Est-il immergé dans le Dieu qui est Amour ? Il n’en n’est rien.
Dans son conflit avec le roi Akazias, par deux fois il fait descendre du ciel un feu qui brûle, un officier et 50 soldats (2R 1,10s). N’y avait-il pas de méthode moins violente pour leur échapper ?
Mais il faut encore quelques siècles dans l’histoire du salut pour que soit révélé par le Fils que « Dieu est Amour. Si quelqu’un vit dans l’amour, il vit en Dieu et Dieu vit en lui » (1Jn 4,16). Comme nous chantons au Christ : « Nous n’aurions pas connu l’amour si tu n’avais aimé toi-même. ».
Par Lucien Buisson, pasteur retraité