L’idée de ce dossier part d’un constat : là où l’enseignement de la missiologie garde une place dans les facultés de théologie, il est de plus en plus fréquent de l’associer explicitement à la notion d’interculturalité. Comment expliquer cette évolution ? A quoi voudrait-elle nous rendre attentifs ? S’agit-il d’articuler les deux termes, voire d’étendre la problématique inter- culturelle à toute la théologie ?
(…) Les articles ici réunis permettront, nous l’espérons, d’interroger les évidences, de verser quelques pièces au débat et de poser des jalons pour la suite. Cette démarche nous semble cohérente avec celle de l’apôtre Paul, par exemple, qui confronté à des questions proprement culturelles (comme manger ou ne pas manger de viande sacrifiée aux idoles en Romains 14), examine sérieusement la question sous l’angle culturel sans chercher à l’évacuer, mais pour la replacer dans son contexte théologique, c’est à dire face à la révélation. Les débats de théologie interculturelle ne peuvent en effet jamais être l’opposition des cultures entre elles : il y a toujours du tiers, cet Évangile qui vient interroger nos pratiques comme nos croyances.
En ouverture du dossier, Pascale Renaud-Grosbras propose une conception de la culture – laquelle pourrait ne pas se limiter au genre humain selon certaines observations du règne animal – comme un ensemble de règles permettant la socialisation d’individus dans un groupe. Or, l’Évangile du Christ s’affirme à travers des décalages avec les codes culturels, non pour les rejeter radicalement mais afin qu’elles ne soient pas rendues absolues et définitives.
Gilles Vidal met en perspective la théologie interculturelle en montrant comment on est passé de l’affirmation critique du caractère contextuel de toute théologie à une volonté d’assumer cette contextualité pour finalement valoriser le dialogue des contextualisations dans une perspective d’ouverture à l’altérité aux modalités diversifiées.
Christophe Singer approfondit les conséquences de l’affirmation de l’Évangile comme vérité en relevant le défi de la postmodernité marquée par la critique historique et le relativisme culturel ou, à l’inverse, par l’essentialisation des cultures et l’opposition à toute idée de conversion.
Quels peuvent être les impensés empêchant de saisir les dynamiques du phénomène interculturel ? Telle est la question de départ de Guilhen Antier qui, par le détour de la psychanalyse, explore la tension entre l’insaisissable altérité et le «narcissisme des petites différences».
Christel Zogning Meli présente les résultats d’une enquête de terrain consacrée à l’observation de groupes afrodescendants en Belgique et montre comment les recompositions identitaires s’expriment sur le terrain religieux avec des scénarios de sortie du christianisme.
Un entretien avec Corinne Lanoir apporte une première illustration d’un […]