« L’enfer, c’est les autres » disait Sartre dans Huis clos. J’ai toujours été en profond désaccord avec cette formule. Du moins, dans sa compréhension habituelle, contre laquelle Sartre lui-même aurait posé son désaveu ! L’enfer, ce n’est pas les autres, mais bel et bien soi. Lorsque « nous nous mettons dans la totale dépendance d’autrui » (Sartre), de son regard et de son jugement. Mais l’enfer, c’est aussi et surtout lorsque nous nous replions sur nous-mêmes, lorsque nous choisissons l’isolement, l’éloignement loin des autres. L’enfer existe sur terre quand nous restons seuls avec nos chagrins, nos peurs, nos rages, nos haines, nos reproches. L’enfer commence quand nos rancœurs sentent le renfermé.

Laisse

Jésus, dans le Notre Père, nous invite à remettre nos « dettes ». Mieux : il affirme que c’est là ce que nous faisons : « Remets-nous nos dettes comme nous aussi nous remettons / avons remis nos dettes ». Aussi paradoxal que puisse être cette affirmation, elle résonne très fort existentiellement. Revenons aussi loin que peut nous emmener notre mémoire. Nous verrons que nous avons tous commencé par vivre sans tenir, retenir le mal que l’on nous faisait. Nous avons tous continué la relation sans vouloir reproduire le mal ou s’isoler. « Laisser aller », « pardonner », est l’expérience première de nos vies. C’est au moment où je la renouvelle que je comprends ce que le Père fait avec moi chaque jour, pour mes erreurs et mes errances. Aussi rances soient-elles ! C’est en pardonnant que je comprends que le Père est Pardon, Bienveillance, pour moi, pour les autres et le monde. C’est en pardonnant que s’enracine en moi le pardon de Dieu : sa bienveillance éternelle.