Dans la dynamique Lire la Bible lancée par l’Église Protestante Unie de France pour que chacun retrouve le plaisir de lire la Bible, de la questionner, de la méditer, le journal vous propose d’approfondir la rencontre entre Philippe et l’eunuque éthiopien relatée en Actes 8, 26 à 40.

Un chercheur de sens

L’eunuque éthiopien avait été mis à part dès son enfance. Ses parents avaient cru bien faire lorsqu’ils l’avaient fait émasculer, pour lui faire occuper une position d’eunuque à la cour. C’étaient des êtres recherchés : utiles dans le harem, sans aucun danger d’importuner la reine. Il avait réussi à faire son chemin puisqu’il était devenu un des plus hauts fonctionnaires de la cour. Mais partout et toujours il était un être à part, ni homme, ni femme, mutilé, sans descendance possible. Où était sa place ?

Alors il avait commencé à chercher du sens à sa vie, ailleurs que dans une vie de couple et de famille. Il avait commencé à explorer les religions de l’Éthiopie, et d’ailleurs, en Égypte, en Grèce ou au Moyen-Orient. Il avait lu leurs livres saints mais à aucun moment il n’avait senti que ces récits le concernaient.

Car partout, il lisait des histoires qui vantaient la fertilité de la terre, de l’homme. Même en parlant du soleil et de la lune, l’essentiel était que la terre porte du fruit et que l’humain se reproduise.

Puis il découvrit la religion juive. Et il se rendit compte que là, il ne s’agissait pas de célébrer la fertilité et la virilité, mais qu’au contraire, dans leur Livre saint, il y avait pléthore de personnes stériles. Que leur Dieu les choisissait et les aimait non pas à cause de leurs forces vitales mais pour de tout autres raisons.

Que le sens de leur foi était de devenir porteurs de justice, d’amour, d’espérance et de miséricorde. Que la foi ce n’était pas « avoir », mais « être ». Du coup, il était allé à Jérusalem pour en apprendre beaucoup plus, devenir prosélyte. Mais une nouvelle déception l’attendait car, à cause de sa mutilation, il ne lui était pas permis d’entrer dans les cours du Temple. Le Livre saint l’interdisait.

Et le voilà sur le chemin de retour, une route déserte comme sa vie. Pourtant il s’accrochait et lisait les Écritures : est-ce que pour lui ces paroles anciennes pourraient devenir quand même porteuses de sens ? Ces paroles étranges, parlant de quelqu’un à qui l’avenir était fermé car on le maltraitait. Quelqu’un avec qui il pouvait s’identifier.

Les questions se bousculaient dans sa tête. Et voici tout à coup cet inconnu, on dirait presque un ange, venu exprès pour lui expliquer ces paroles d’Ésaïe reprises par Jésus, des paroles d’espérance qui remettaient debout ceux qui étaient tombés, qui ouvraient un avenir à celles qui se lamentaient d’être stériles. Sur cette route déserte, ce jour-là un homme, un étranger, un exclu, a trouvé la joie de se savoir un enfant aimé de Dieu. À travers son récit, nous pouvons être certains que nous aussi nous sommes ainsi aimés et que nous aussi nous pouvons joyeusement continuer notre route.

Texte biblique

L’ange du Seigneur dit à Philippe : « Pars vers le sud, sur la route qui descend de Jérusalem à Gaza. Cette route est déserte. » Philippe partit aussitôt. Et voici, un Éthiopien, un eunuque, haut fonctionnaire de Candace, la reine des Éthiopiens, et responsable de tous ses trésors, était venu à Jérusalem pour adorer Dieu et il retournait chez lui, assis sur son char, en lisant à haute voix le prophète Ésaïe.

Le Saint-Esprit dit à Philippe : « Va rejoindre ce char. » Philippe s’en approcha en courant et entendit l’Éthiopien qui lisait le livre du prophète Ésaïe. Il lui demanda : « Comprends-tu ce que tu lis ? » L’homme répondit : « Comment pourrais-je comprendre, si personne ne m’éclaire ? » Et il invita Philippe à monter sur le char pour s’asseoir à côté de lui. Le passage de l’Écriture qu’il lisait était celui-ci : « Il a été comme une brebis qu’on mène à l’abattoir, comme un agneau qui reste muet devant celui qui le tond. Il n’a pas dit un mot. Il a été humilié et n’a pas obtenu justice. Qui pourra parler de ses descendants ? Car on a mis fin à sa vie sur terre. » Le fonctionnaire demanda à Philippe : « Je t’en prie, dis-moi de qui le prophète parle-t-il ainsi ? Est-ce de lui-même ou de quelqu’un d’autre ? » Philippe prit alors la parole et, en partant de ce passage de l’Écriture, il lui annonça la Bonne Nouvelle de Jésus. Ils continuèrent leur chemin et arrivèrent à un endroit où il y avait de l’eau. Le fonctionnaire dit alors : « Voici de l’eau ; qu’est-ce qui empêche que je sois baptisé ? » Puis il fit arrêter le char. Philippe descendit avec lui dans l’eau et il le baptisa. Quand ils furent sortis de l’eau, l’Esprit du Seigneur enleva Philippe. Le fonctionnaire ne le vit plus, mais il continua son chemin tout joyeux.

Présentation du livre

Le livre des Actes des Apôtres est le 2e volet de l’œuvre de Luc, car comme l’Évangile, il commence par s’adresser à « Théophile » : celui qui aime Dieu. Écrit dans les années 80-90, son but est de raconter

comment l’Évangile va sortir de Jérusalem pour arriver au cœur du monde antique, Rome. On aurait pu appeler le livre « Actes de l’Esprit », car du début, la Pentecôte, jusqu’à la fin, c’est l’Esprit qui envoie, encourage et fait avancer la Bonne Nouvelle. Sous nos yeux naît l’Église, non pas comme un idéal hors du

monde, mais bien ancrée dans la réalité humaine à travers les questions abordées : qui peut faire partie du groupe des chrét iens ? Comment assumer le lien puis la rupture douloureuse avec le judaïsme ? Comment vivre en disciple du Christ ?

Histoire

Philippe est un des « sept » : sept hommes désignés par les douze pour assurer « le service des tables », suite à une plainte que les pauvres parmi les convertis non-juifs étaient lésés par rapport à ceux d’origine juive. Luc va faire éclater toutes ces catégories : non seulement le rôle de Philippe est celui d’un évangéliste puisqu’il est envoyé à la rencontre de l’eunuque pour lui porter la Bonne Nouvelle ; et celui qu’il va baptiser est un étranger impur.

Luc prend ainsi fermement position pour un christianisme qui n’exclut personne, à un moment où l’Église est en plein débat sur la question de son identité et des conditions pour y entrer. Ainsi se réalise la prophétie d’Ésaïe 56, 3-6 : « que l’eunuque n’aille pas dire « voici que je suis un arbre sec »… ce sera mieux que des fils et des filles, je lui donnerai un nom perpétuel ».