C’est lors de son séjour à Strasbourg que Calvin a découvert que le psautier pouvait être mis en vers et ces vers en musique. Pour adapter en vers français les Psaumes, il va faire appel à Clément Marot puis, après sa disparition, à Théodore de Bèze. En 1539, est publié un premier recueil partiel de psaumes en français (19 psaumes). En 1551 sort le psautier complet (49 signés Marot et 34 Théodore de Bèze). 123 mélodies furent retenues (composées ou adaptées par Loys Bourgeois, Guillaume Franc ou encore Pierre Dagues), certaines utilisées pour plusieurs psaumes. C’est ainsi que le psaume 68, dit psaume des batailles, longtemps considéré comme la marque d’identité de l’Église réformée en France, reprit la mélodie du psaume 36 « Du malin le méchant vouloir » (Ô seigneur ta fidélité, dans l’adaptation de Roger Chapal), composée par le Strasbourgeois Mathias Greiter pour le psaume 119. Le texte est l’œuvre de Théodore de Bèze.

Un monument historique ?

Si la seconde partie du 19e siècle a été marquée dans l’hymnologie réformée par une réduction de la place des psaumes en faveur de cantiques plus « christocentrés », le 20e siècle a surtout privilégié les psaumes de louange, édulcorant les textes originaux en supprimant les versets trop violents, ou trop incompréhensibles. Or, ces psaumes étaient jadis chantés en entier par une assemblée qui les connaissait par cœur. Les paroles guerrières du psaume 68 (qui comportait 18 couplets dans la version originale de Théodore de Bèze), rappelant les victoires successives du Seigneur, les châtiments violents portés par Dieu luimême aux ennemis, la sortie d’Égypte et l’entrée en Canaan ne semblent pas avoir la faveur de nos protestants contemporains qui n’apprécient guère ce « Dieu obscur » décrit par Thomas Römer.

Bref, s’il est chanté, c’est plutôt à titre anecdotique, respecté comme un monument historique, tout comme la Cévenole, chant beaucoup plus récent, tous deux hymnes de la « fierté » protestante. Double victime, comme une bonne partie du « psautier huguenot » (expression ne datant que du 19e siècle), d’un conservatisme étroit (et de l’harmonium) qui l’a transformé en pièce de musée et d’une course effrénée à la modernité (sous prétexte d’attirer les jeunes), sans doute ce psaume n’appartiendra bientôt plus qu’à la culture des musicologues et des historiens. Or, en cassant les codes d’interprétation (ce que sait très bien faire le pasteur Éric Galia), en prenant en compte ses paroles, il peut prendre sa place auprès de très belles productions musicales actuelles destinées au culte.

 

Psaume 68

  • Que Dieu se montre seulement, Et l’on verra soudainement Abandonner la place ; Le camp des ennemis épars, Et ses haineux de toutes parts, Fuir devant sa face. Dieu les fera tous s’enfuir, Ainsi qu’on voit s’évanouir, Un amas de fumée. Comme la cire auprès du feu, Ainsi des méchants, devant Dieu, La force est consumée. (Version originale Théodore de Bèze)
  • Que Dieu se montre seulement, Et l’on verra soudainement Abandonner la place. Le camp des ennemis épars, Épouvanté de toutes parts, Fuira devant sa face. On les verra soudain s’enfuir Comme l’on voit s’évanouir Une épaisse fumée ; Comme la cire fond au feu, Ainsi des méchants devant Dieu La force est consumée. (Paroles Roger Chapal)