Dans le récit de Genèse 22, Dieu éprouve Abraham en lui demandant d’offrir son fils en sacrifice. Comment pouvons-nous lire aujourd’hui ce texte où le patriarche esquive de justesse un acte de terrorisme religieux ?
Dieu ne souhaite pas qu’Abraham tue son fils au sens physique. D’ailleurs, dans le récit biblique, l’ange du Seigneur interrompt le geste meurtrier du patriarche. Ce qui doit mourir, c’est l’attachement, l’emprise qu’Abraham projette sur son fils, car cette attitude a une dimension narcissique.
Vous voulez dire qu’Abraham s’accapare la vie de son fils pour se réaliser soi-même ?
Oui, le fils est contrôlé par le père, qui considère sa progéniture comme son propre prolongement. Abraham entend maîtriser seul sa relation avec son fils. Isaac n’a pas de liberté. Donc, paradoxalement, ce texte signifie la libération d’Isaac de l’emprise paternelle d’Abraham.
Dans notre langage, «offrir en holocauste» signifie donc «rendre à Dieu» son fils ?
Quand Dieu demande à Abraham de sacrifier son fils, cela signifie, en langage moderne, que Dieu lui demande de lâcher prise sur son fils. Pour que la transition s’accomplisse entre le père et le fils, Abraham doit rendre à Dieu le descendant unique qu’il a reçu dans sa vieillesse. Il se l’est accaparé comme sa possession personnelle, ce qui paralyse toute évolution. […]