Si l’on retient la définition de transition par : « Passage d’un état à un autre état » alors surgit à l’esprit la figure attachante de l’apôtre Paul († vers 67 ap. J.-C.), hélas trop souvent méconnue et caricaturée. Ses fameuses lettres sont le premier témoignage que nous ayons sur la vie du christianisme, bien avant le texte des Évangiles.

Du persécuteur au libérateur

Comment un homme « qui respirait encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur, se rendit chez le grand prêtre et lui demanda des lettres pour les synagogues de Damas ; s’il y trouvait quelques-uns, hommes ou femmes, qui étaient de la Voie, il pourrait ainsi les arrêter et les amener à Jérusalem » (Actes 9, 1-2) peut devenir l’apôtre des Nations non juives et le défenseur de la liberté face la volonté de figer la première Église dans le ritualisme de la loi juive ? (Lettre aux Galates) L’expression vivre « son chemin de Damas » est devenue proverbiale pour désigner une conversion soudaine (voir la suite du chapitre 9 des Actes). Mais le plus intéressant est de voir que Paul ne va pas passer d’un fanatisme à un autre. Tout au long de sa vie il va chercher, se déplacer dans tous les sens du terme, spirituellement et physiquement. (Voir la carte de ses voyages.)

Le professeur Élian Cuvillier fait remarquer que Paul n’emploie pas le terme de « métanoïa » (repentance, conversion, en grec) pour décrire son expérience mystique mais le terme « apocalypse » (révélation, en grec). Cela doit nous alerter sur le fait que la découverte de la foi n’est pas u n processus régulier et volontaire, préparé ou voulu de longue date, mais bien une révélation personnelle et indescriptible. On peut et on doit transmettre une identité religieuse, une culture biblique mais on ne peut pas imposer la foi. « On ne naît pas chrétien, on le devient. » (Tertullien)

Le premier à vivre et décrire le paradoxe de la foi

Cette transition existentielle qui transforme l’individu est bien décrite au chapitre 7 de la lettre aux Romains, où Paul décrit l’opposition entre la volonté de faire le bien et la réalité du mal humain : « 18 Je le sais, rien de bon n’habite en moi, c’est-à-dire dans ma chair. Car il est à ma portée de vouloir, mais non pas de produire le bien. 19 Je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le mal que je ne veux pas. » (Romains 7)

Face à ce conflit profond et insoluble, Paul va jusqu’au bout du désespoir (v. 24 : « Misérable que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? »). Heureusement, la foi dépasse la logique, Paul dépasse ce paradoxe par le changement de dimension, par le saut de la foi : « Grâce soit rendue à Dieu par Jésus-Christ, notre Seigneur ! »

Seule la confiance dans l’amour de Dieu révélé par Jésus Christ peut permettre à l’homme de vivre. C’est cette expérience, cette « apocalypse- révélation » que vont vivre des millions de chrétiens, au travers des siècles, et qui va transformer le monde.

Pourquoi pas nous ? Quand nous acceptons de nous voir comme des hommes et des femmes toujours en transition, jamais installés définitivement dans un état statique mais toujours ouverts à la Parole de Dieu.

* Les citations bibliques sont de la Nouvelle Bible Segond.