C’est l’histoire de Jean-Claude, qui nous raconte les grandes étapes de son cheminement chrétien avant de passer par les eaux du baptême. C’est aussi l’histoire de Marthe, atteinte d’une maladie chronique, qui remonte le fil de son histoire pour montrer combien la présence de Dieu a jalonné son existence, ou encore celle de Dominique qui explique comment la guérison miraculeuse a changé sa vie. Le récit de soi, qu’il soit écrit ou oral, a déjà fait l’objet de nombreuses recherches en philosophie, droit, théologie, psychologie et sociologie. Derrière l’idée simple de partager son histoire de vie avec des comparses, il a été abondamment souligné combien parler de soi était en fait une activité complexe de mise en intrigue. Le récit découle d’une mémoire partiale et de contraintes psychologiques et sociales qui le poussent à entrer en conformité avec les attentes de la communauté qui le reçoit. Selon le psychologue Peter Stromberg, c’est même en conformant son récit que l’on se convertit ou, pour l’anthropologue Susan Harding, «parler, c’est croire». Bien que de nombreux auteurs en sciences sociales s’attachent à montrer combien un récit de soi se met en forme selon les normes d’une communauté de sens, nous aimerions souligner ici que ce constat n’est pas suffisant pour comprendre le rôle et l’importance du témoignage dans la communauté des croyants.
Pour la sociologie, un témoignage ou un récit de vie est tributaire d’au moins trois grandes composantes.
1) Il s’agit tout d’abord de la mise en intrigue, du sens que le narrateur va donner à son histoire, la chronologie dans laquelle il va ranger les étapes de son histoire, etc.
2) Ensuite, il y a la mise en forme conditionnée par l’auditoire, également le sens donné à l’histoire pour un public particulier, ainsi que les mots utilisés, les tournures, le rôle de certains protagonistes dans le récit, etc.
3) Il y a encore l’interaction, la performance du témoignage. Il s’agit de suivre les règles sociales de l’émission d’un récit personnel, sa mise en scène, ses silences, ses implicites qui permettent alors aux récepteurs d’authentifier le récit comme digne de confiance et d’en recevoir le sens.
Une grande partie des sciences humaines qui se sont intéressées de près au récit de soi ont donc relevé combien l’activité de raconter à un public une histoire de soi était en fait un important travail de mise en conformité à des règles et normes implicites. J’aimerais […]