Dans ce cahier, nous invitons nos lectrices et nos lecteurs à un voyage qui part des textes bibliques et s’achève dans une expérience pratique vécue à Lyon par deux missionnaires brésiliens, tout en passant par le Togo, le Ghana et Madagascar. Le point commun de ces étapes ? le texte biblique, tel qu’il est lu, vécu et approprié à travers différentes perspectives et expériences.
Depuis plusieurs décennies maintenant, l’exégèse a appris, grâce à l’influence des approches de la libération, mais aussi des perspectives féministes et postcoloniales, à prendre en compte les vécus, les positions et les contextes des lecteurs et lectrices pour les intégrer à son analyse des textes. L’herméneutique biblique ainsi articulée se nourrit d’un rapport historique et critique au texte, tout en enrichissant son regard à partir des perspectives des interprètes.
Nous avons cherché à présenter ici un regard construit à partir de la notion d’interculturalité. Sans la définir formellement, nous avons travaillé avec l’idée que l’interculturalité existe dans des situations où des personnes issues de différents contextes se rencontrent et entrent en dialogue autour d’un objet commun, ici le texte biblique. La constante dans les situations évoquées est le texte ; ce qui change, ce sont les questions, les terreaux dans lesquels l’interprétation naît, les préoccupations des gens qui lisent. Il y a aussi interculturalité, nous semble-t-il, dans la place que le texte prend dans chaque lecture : la rencontre avec le monde du texte se décline différemment dans les articles réunis ici. Parfois, c’est l’univers du texte qui constitue la culture principale à travers laquelle les interprètes se laissent questionner et déplacer, en vivant le choc de l’interculturalité à travers l’histoire et les récits racontés. Parfois, c’est l’enracinement de l’interprète qui vient bousculer le texte biblique, lui poser des questions nouvelles et surprenantes.
Ainsi, les trois premières contributions partent de passages bibliques pour les lire de manière interculturelle. Jeanine Mukaminega propose une lecture d’Ézéchiel 13,17-23 qui part d’une analyse historique pour revaloriser, à travers une herméneutique féministe, les points de vue de celles et ceux qui n’occupaient pas des positions d’élite dans l’Israël ancien. L’interculturalité se joue ici au sein même de la péricope, qui tend à effacer des perspectives pour privilégier les approches dominantes.
La lecture de Jean 8 par Fifamè Fidèle Houssou Gandonou, à laquelle répond Valérie Nicolet, développe l’interculturalité, mais aussi l’interdisciplinarité, dans le registre de la lecture à deux voix. Une philosophe éthicienne béninoise dialogue avec une néo-testamentaire suisse autour du même texte, ce qui permet de complexifier les questions posées au texte et d’identifier différentes positions dans le texte lui-même.
Ces trois premiers articles sont suivis par quatre réflexions pour lesquelles le contexte est premier.
De la sorte, René Sanvee part d’une étude de terrain à propos du rituel lié au veuvage dans des tribus situées au Togo et au Ghana pour réfléchir à la position et au rôle du texte biblique dans ce rituel.
Ensuite Mialy Rakoto R. présente la fonction de berger à Madagascar et expose la façon dont les textes bibliques sont utilisés pour établir l’autorité et les contours de ce ministère.
Franck Lefebvre-Billiez revient sur […]