Je viens de participer à une rencontre sur la croisée des quatre évangiles, où le groupe a échangé sur l’irréductible nécessité de garder quatre théologies différentes, quatre manières différentes de présenter l’Évangile de la personne et de l’œuvre de Jésus le Christ. Les tentatives de leur harmonisation n’ont pas vraiment réussi à tenir dans le temps (c’est le cas du Diatessaron – littéralement « à travers quatre » – au IIe siècle).
Pourquoi le christianisme a-t-il été marqué de tout temps par la diversité ? Pourquoi la première Pentecôte racontée dans le livre des Actes des Apôtres se vit-elle dans plusieurs langues, entendues par plusieurs cultures ? L’Esprit saint semble décidément préférer s’incarner dans la diversité plutôt que dans l’uniformité.
Débattre
Dans un contexte d’incertitude et de non-maîtrise du temps, beaucoup sont amenés à aller à l’essentiel, qui est la plupart du temps spécifique à chacun. Et là aussi, la diversité revient, comme lorsque, dans notre Église, on aborde une question éthique ou politique. Dans notre Église, l’éthique de la liberté responsable est une quête personnelle permanente, où personne ne peut se substituer à ma conscience dans mes choix. Et je l’apprécie. Mais cette responsabilité personnelle peut parfois devenir lourde, voire culpabilisante, et, en tous cas, clivante pour la vie communautaire.
Deux solutions peuvent alors être adoptées par nos Églises visibles locales.
Soit, nous choisissons d’éviter d’aborder les questions sociétales éthiques ou politiques, dans un souci d’unité au sein de la vie communautaire.
Soit, nous faisons confiance au Christ, le centre qui crée la vie communautaire et osons proposer le débat (la disputatio), cher à notre protestantisme, en le posant sous l’éclairage de l’Esprit saint.
Diversité et unité
Mais alors, dans la pratique, comment faire avec le risque d’éclatement ecclésial ?
Notre système ecclésiologique presbytéro-synodal y a pensé en mettant en place, à l’échelle locale, un conseil presbytéral qui veille à l’unité communautaire. Mais il a besoin d’une certaine autorité afin de pouvoir exercer une telle responsabilité, et cette autorité est collégiale dans notre système. Non pas une décision collégiale qui tranche sur la question ou qui oriente le débat, mais qui maintient l’accord sur nos désaccords, qui adopte une neutralité nécessaire pour un débat serein et ouvert, où chacun se sent accueilli et écouté, où chaque opinion a droit à la parole sans se sentir marginalisée, indépendamment de l’appartenance, de la fonction ou de la position sociale de chacun.
En effet, l’invisibilité de la Vérité peut fort bien être vue raisonnablement dans l’action de l’Esprit saint qui nous invite à partager et à débattre de nos vérités humaines limitées et relatives (cf. Rom.1,20). Comme le dit François Vouga, « la reconnaissance d’une nécessité de la diversité fait partie de l’essence même et de la définition que la foi chrétienne donne d’elle-même ». La diversité est donc fondatrice de l’Église, selon notre conception de sa raison d’être qui est d’annoncer ou d’incarner l’Évangile dans le monde. Je suis convaincu que la diversité est un facteur d’unité, lorsqu’elle est assumée dans une vie communautaire centrée en Christ.