Le symbole est l’âme du peuple et sa force réside dans le fait qu’il donne à penser, comme l’affirmait le philosophe français Paul Ricœur. D’où l’importance des lieux symboliques dans la constitution et la transmission de la mémoire.

Certains parents font subir, malgré eux, des violences symboliques à leurs enfants, par le silence et les non-dits sur les ascendants, leur famille et leurs origines. Ils excluent leurs enfants de la filiation, et par conséquent de l’héritage, par une absence de la transmission de la mémoire et de la culture. Ils ne font plus le lien entre le passé, le présent et l’avenir. Leur fonction d’ouvreur de perspectives est en panne.

Une valorisation difficile

Ce défaut d’accompagnement intérieur n’aide pas les jeunes à mieux se situer dans leur histoire personnelle et sociale. Difficile, dans ce cas, d’aller vers une valorisation qui soit à même de leur permettre de se réconcilier avec la culture de leurs parents et d’avoir une meilleure image d’eux-mêmes. Les parents ne facilitent pas la tâche de leurs enfants pour sortir de l’image, parfois dévalorisée, héritée d’une histoire violente et/ou traumatique et de cette place qui leur est assignée dans l’inconscient collectif.

Cette absence de repères et de sens rend ces enfants fragiles face aux sollicitations et aux exigences de la société et de l’image que celle-ci leur renvoie d’eux-mêmes, de leurs parents et de leur culture. Ces enfants ont intégré des représentations extrêmement négatives de leur culture et de leurs traditions familiales. Le choix des parents de s’intégrer revient à s’exclure de leur communauté d’origine. Cette rupture sur le plan mémoriel laisse les enfants face à leur terrain intérieur où rien n’est dit pour donner sens à ce qu’ils traversent, ou ce qui les interroge.

Des contre-réactions

La désorganisation des repères symboliques a comme effet social et psychique des difficultés dans la construction identitaire et dans les repères identificatoires, ce qui accentue et renforce les identités imaginaires ségrégatives tant au niveau collectif qu’individuel. Les descendants sont souvent lestés par des éléments et des conflits qu’ils n’arrivent pas à digérer et qui gênent leur rapport aux autres. La mémoire que nous avons des défaites de notre enfance, articulée à une identité familiale négative, crée en nous une crypte. Cette identité familiale négative donne aux enfants une idée négative d’eux-mêmes, ressentie comme inacceptable. Alors, ils mettent en place des contre-réactions. Ces drames fondateurs sont au cœur du contre-héritage. Dans cette conduite, ils intègrent bien souvent une image du père brisé, humilié, disqualifié par le chômage, la précarité et l’exclusion. Le silence des pères renforce cette image. Ils ne parlent pas des sacrifices consentis ou de leur participation ou de celle de leur famille à la libération de la France par exemple, par pudeur ou pour épargner leurs enfants. Ces parents ne sont pas dans la culture de la plainte « quand ils ont froid, ils serrent les dents et quand ils ont faim, ils serrent la ceinture ».