L’attention aux enfants, à leurs pratiques et savoirs a largement progressé depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à leur reconnaissance en tant qu’individus à part entière. Cette évolution a été particulièrement marquée dans le nord de l’Europe, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, où un mouvement de recherche en sciences sociales a émergé. Remettant en question la vision développementaliste des âges de la vie, ces études ont également permis de repenser le processus de socialisation – les mécanismes de transmission de la culture, de normes, de savoirs sociaux –, traditionnellement vu comme vertical et descendant, allant nécessairement de l’adulte vers l’enfant.
Les enfants partenaires des processus d’apprentissage
Les new childhood studies portent la focale sur la capacité des enfants à agir sur leur vie et sur le monde. Sans nier les processus de reproduction sociale, il s’agit de comprendre comment les plus jeunes interprètent le monde qui les entoure et participent à le (re)produire.
Bien qu’affectés par ses codes, les enfants s’approprient les informations fournies par et dans le monde adulte pour créer leurs propres cultures enfantines. Au travers d’interactions avec les autres, ils établissent des intercompréhensions, qui deviennent des connaissances, sur lesquelles ils s’appuient pour en construire d’autres, sans cesse révisées par l’interprétation qu’ils font des situations rencontrées. Cette vision dynamique et horizontale de la socialisation fait des enfants des partenaires à part entière des processus d’apprentissage.
Ces approches entendent également reconsidérer les relations entre adultes et enfants, en étudiant les contributions de ces derniers dans les relations intergénérationnelles et la co-construction des statuts et positions à l’œuvre dans ces relations. On peut penser aux manières dont les adultes acquièrent l’un de leurs statuts (celui de parents) par la naissance de leur enfant.
L’exemple des technologies
Les enfants peuvent être agents de socialisation des adultes, par exemple face aux technologies numériques qu’ils s’approprient en se révélant souvent plus indépendants et compétents que leurs professeurs ou parents. Au sein de la famille, ils accompagnent ces derniers, résolvent des problèmes techniques, des opérations élémentaires, et renversent par là même (provisoirement) l’ordre générationnel.
Ces constats s’observent dans un autre domaine : celui de la maladie et des soins, où les compétences enfantines sont couramment invisibilisées. Pour autant, de nombreuses études témoignent des savoirs des enfants sur leur corps et sa prise en charge, soulignant qu’enfants et adultes se situent parfois à égalité dans les soins, particulièrement dans le cas d’enfants malades chroniques confrontés à des traitements technologiques, comme pour le diabète de type 1, accompagné aujourd’hui de pompes connectées, de capteurs glycémiques, etc. Souvent déjà rompus à l’utilisation des nouvelles technologies, les enfants parviennent rapidement à maîtriser ces appareils, à modifier leurs paramétrages. Leur aisance peut surpasser celle des parents, ce qui leur donne l’occasion de se voir déléguer cette tâche. Enfants et parents négocient ainsi ces pratiques : ils discutent du sens de ce qu’ils font et élaborent ensemble des apprentissages, savoirs et pratiques familiales propres.