La question du sens de notre travail auprès des enfants qui nous sont confiés est centrale. En témoignent la difficulté de recrutement d’éducateurs et la fragilité de jeunes collègues parfois enclins, face à la difficulté, à se mettre en arrêt maladie.
Les jeunes évoluent dans trois lieux, chacun marqué par sa culture : la famille, l’école et la cité (ou les écrans). Leur comportement peut être différent en famille, en classe, ou dans un groupe sans adulte. Pour les rejoindre, il nous faut pénétrer dans chacun de ces champs de vie. Le concept de médiation famille-école-cité crée du lien entre les adultes qui accompagnent l’enfant. Il existe une corrélation entre leur niveau d’incohérence et le niveau de violence de l’enfant.
Trois conditions
Dans un contexte de mutation sociétale, il est plus difficile de se projeter dans l’avenir. Et plus difficile aussi d’éduquer. L’autorité est moins liée aujourd’hui au statut de l’adulte qu’à la qualité de la relation qu’il noue avec l’enfant. L’affectif est une composante de la relation, qu’on le veuille ou non.
La première condition, pour que le travail socio-éducatif ait un sens, est la foi en l’éducabilité du jeune. Elle consiste à ne jamais l’identifier à ses comportements ou ses performances du moment. Il est très différent de dire à son ado « t’as fait une connerie » ou « t’es con » et à un élève « ta copie est nulle » ou « t’es nul ». La deuxième option plombe l’estime de soi. Je ne suis pas contre les notes, mais contre l’identification de l’enfant à sa note.
La deuxième condition est la capacité à se projeter dans l’avenir. Comment préparer ces enfants que
nous accompagnons à prendre place dans la société si nous n’avons pas des projections positives sur l’avenir ?
La troisième condition est la capacité à établir une relation avec le jeune, à être suffisamment proche pour ne jamais être indifférent et suffisamment distant pour ne pas être indifférencié. Trouver ce point de bonne distance et de bonne proximité est essentiel. Il ne s’agit pas d’une distance avec l’enfant, mais d’une distance avec les émotions qu’il suscite en nous.
Trois axes pédagogiques
Pour répondre à ces trois conditions, il faut tout d’abord mettre en œuvre une pédagogie de la confiance. Sans confiance, il n’y a pas d’éducation possible. Les jeunes qui ne font pas confiance ont souvent très peu confiance en eux. Nous devons leur apprendre à mémoriser les réussites au lieu de pointer du doigt les difficultés. Nous devons être dignes de confiance, crédibles, cohérents et savoir reconnaître notre erreur quand nos actes n’ont pas été à la hauteur de nos paroles.
Il faut aussi mettre en œuvre une pédagogie de l’espérance, pour aider les adolescents à se fixer des objectifs, mais également une pédagogie de l’alliance. Une conjugaison de l’amour et de la loi est indispensable. Le jeune doit voir dans l’éducateur un allié pour relever le défi de grandir, d’apprendre, de devenir citoyen.
Cette pédagogie en trois points fait écho à la trilogie chrétienne qui nous inspire : croire, espérer, aimer. Je crois en chacun de ces jeunes, j’espère en un monde meilleur pour eux et je les aime. Cette affection, que Jean Bosco qualifiait d’« amorevolezza », est une affectivité guidée par une intentionnalité éducative.
La spiritualité de l’éducateur, c’est un peu la spiritualité du jardinier. Pour que la graine devienne arbre, elle doit prendre racine ; le jardinier ne tire jamais sur la tige pour que ça pousse plus vite ! L’éducateur accompagne la croissance de l’enfant, il voit en lui l’adulte qu’il est appelé à devenir. Si nous voulons donner du sens à notre travail, il faut savoir prendre en compte aussi les besoins d’ordre spirituel de l’enfant.