L’opération est mondiale. Née au Royaume-Uni en 2012, l’opération Dry January s’est peu à peu étendue à de nombreux pays dans le monde. Parmi eux, la France. Dans l’Hexagone depuis 2020, comme partout ailleurs, le défi consiste à ne pas boire d’alcool tout au long du mois de janvier. Cette année, une cinquantaine de médecins-addictologues se sont mobilisés. Ils ont demandé au gouvernement d’assurer la promotion de l’opération. À leurs yeux, un tel soutien participerait à redorer son image. Selon eux, en effet, l’exécutif n’en fait pas assez pour lutter contre l’alcoolisme, relate franceinfo.
Si bien que selon l’association Addictions France, seules 16 000 personnes. Néanmoins, nombreux sont ceux qui réduisent leur consommation d’alcool sans officialiser leur démarche sur le site de l’association. Le 14 décembre dernier, le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, avait affirmé qu’il serait “sobre” durant tout le Dry January. Un message fort, mais, depuis, il a démissionné pour manifester son désaccord avec l’adoption de la loi immigration. Malgré tout, le ministère de la Santé ne soutient pas officiellement l’opération. Un choix qui inquiète une cinquantaine d’addictologues. Alors, ils ont écrit un courrier à Aurélien Rousseau au début décembre, afin de lui demander son appui. La Santé publique France (SPF) relaie l’initiative, mais elle ne la finance pas.
Peu de moyens pour “Dry January”
L’engagement de l’État est pourtant essentiel. “Les campagnes impulsées par l’État sont toujours plus suivies et plus efficaces”, assure le psychiatre Olivier Cottencin, président du Collège universitaire national des enseignants d’addictologie (Cunea), à l’origine du courrier. Qui plus est, SPF a étudié la campagne 2020 du “Dry January”. L’occasion de constater les “résultats encourageants” obtenus par le dispositif, en dépit du “manque de couverture médiatique” de l’opération, l’année de son lancement en France.
L’agence de santé publique dispose de “beaucoup plus de moyens financiers, logistiques et humains que les associations”, complète Bernard Basset, le président de l’association Addictions France. “Sur une campagne de prévention, son budget se chiffre en millions d’euros” alors que les associations, “même en réunissant les investissements de quatre structures”, peinent à réunir 20 000 €. N’hésitant pas à parler de perte “de leur confiance envers le Gouvernement pour mener une politique cohérente et résolue” contre l’alcoolisme, les addictologues attendent “des gestes forts, aussi bien en termes de contenu que de portée symbolique”. Avec dans leur viseur les actions menées contre le tabagisme, Olivier Cottencin estime qu’il “faudrait qu’il en soit de même pour l’alcool”.
Des campagnes annulées
Tous les ans, 41 000 décès sont imputables à l’alcool en France. Pour mémoire, la consommation, “même à faible dose”, multiplie les risques de cancers, d’accidents vasculaires cérébraux hémorragiques (AVC) et de troubles du rythme cardiaque, précise SPF.
En réponse à leur courrier, les signataires ont obtenu du ministère une liste de priorités. C’est le cas des jeunes, “qui peuvent basculer dans l’alcool et avoir des comportements dangereux”, ou encore les femmes enceintes. Dans leur cas, la consommation “peut avoir des conséquences irréversibles sur la santé du bébé”. Une hiérarchisation jugée sans surprise par le président de l’association Addictions France. “Le lobby de l’alcool veut des actions qui ne touchent pas la population générale, mais des catégories ciblées”, commente Bernard Basset. Or, le Dry January s’adresse à tous.
Parallèlement au positionnement des principaux ministres concernés par le sujet, l’annulation de la campagne “Mois sans alcool”, gérée par SPF avec le soutien du ministère de la Santé, a agacé les acteurs de la prévention de l’alcoolisme. Prévue pour janvier 2020, elle était mal perçue par la filière viticole. L’Association nationale des élus de la vigne et du vin (Anev) a ainsi réclamé son annulation pure et simple. Dans le même temps, une enquête de France Télévisions a confirmé que la campagne gouvernementale était bien engagée avant que le chef de l’État rétropédale, après un déplacement en Champagne.
Un meilleur sommeil
En 2023, une autre campagne de Santé publique France, titrée « la bonne santé n’a rien à voir avec l’alcool », a été lancée juste après les fêtes. Vin et Société, une structure forte de 500 000 acteurs de la filière, a écrit à Emmanuel Macron, selon la cellule investigation de Radio France. L’association préfère dire que seul l’abus d’alcool est dangereux pour la santé. Au printemps dernier, deux autres campagnes ont été boudées par le ministère de la Santé, indique Radio France. L’une devait être programmée lors de la Coupe du monde de rugby, l’autre expliquait que “Quand on boit des coups, notre santé prend des coups”. Sur le site de Dry January, 71% des participants expliquent pourtant mieux dormir lors de cette période d’abstinence. Un taux avancé par l’université de Sussex (Royaume-Uni), lors d’une étude.