Nous allons explorer pendant quelques rendez-vous des interférences intéressantes entre architecture et théologie (architecture : art de composer dans le domaine de la construction). Le sujet est riche, qu’on entre en théologie avec l’architecture ou qu’on entre en architecture avec la théologie.
Entrer en théologie
Si nous entrons dans le texte biblique par exemple, nul besoin de chercher l’architecture longtemps. Vous vous souvenez par exemple que le peuple hébreu dans le désert reçut de la part de Dieu non seulement les tables de la Loi mais aussi le plan du Sanctuaire, en fait le plan du futur temple de Jérusalem. Le livre de l’Exode contient sur plusieurs chapitres un descriptif architectural, un document de construction professionnel comme les architectes en produisent, ici révélé à Moïse au même titre que la Loi. Dans le Nouveau Testament, l’architecture est souvent présente de façon métaphorique. « Tout est permis mais tout n’édifie pas » dit l’apôtre Paul aux Corinthiens. Et si la Genèse fait commencer l’histoire humaine dans un jardin, l’Apocalypse la fait aboutir dans une ville, la Jérusalem céleste aux murs de pierres précieuses, dont Dieu est l’architecte. Nous trouvons donc facilement de l’architecture dans notre théologie.
Entrer en architecture
Inversement, nous pouvons très bien entrer en architecture avec la théologie. Des villageois près de Montpellier ont été étonnés lorsque je leur ai déployé le sens contenu dans la disposition de leur vieux cimetière, avec des explications de théologien. Ils m’ont dit avoir mieux compris de quoi ce lieu leur parlait. Plusieurs édifices spirituels chrétiens sont conçus comme des livres ouverts et spatialisent une interprétation tout à la fois du monde et des Écritures. Par exemple, les enclos paroissiaux en Bretagne. Mais il n’y a pas que dans les bâtiments religieux que la théologie peut s’inviter. Les protestants français du XVIe siècle, par exemple, lorsqu’ils pouvaient encore construire des villes, se sont interrogés sur ce que devait être une ville en régime protestant. Des plans ont été imaginés et proposés à cette époque. Ils révèlent tout un projet politique, peu d’entre nous les connaissent. Dans ces interférences entre théologie et architecture, nous essayerons de retenir ce qui nous concerne de près.
Permettez-moi de commencer cette exploration par une pensée, que je trouve lumineuse, du philosophe Søren Kierkegaard, les mots de conclusion de son ouvrage L’Alternative : « Seule la vérité qui édifie sera vérité pour toi. » Édifier, un verbe qui vient tout droit de l’architecture. Ce verbe fait ici le tri dans la recherche de la vérité elle-même. Toute vérité n’est pas vérité pour toi. Seule celle qui édifie sera vérité pour toi. Comment discernerais-je la vérité qui édifie ? Le philosophe, qui connaît bien l’Épître aux Corinthiens, répond : « Seul le profond mouvement intérieur, seule l’indescriptible émotion du cœur te donne l’assurance que ce que tu as reconnu t’appartient »