Chance est un quinquagénaire simplet qui n’est jamais sorti de sa demeure, où il a travaillé depuis son enfance comme jardinier pour un « vieil homme. » Un jour, le vieil homme meurt. Chance est sommé de quitter sa chambre vétuste, ses plantes et sa vie pour affronter enfin le monde extérieur. Il remplit sa valise de costumes sur mesure du « vieil homme », démodés mais de qualité supérieure. Il empoche sa télécommande et ouvre la porte pour se trouver dans un quartier au cœur de Washington, délabré et grouillant de violence. Quelle surprise de découvrir que sa télécommande n’a aucun effet sur les menaces d’un gang armé de couteaux et plein de colère contre les blancs. Pourtant, il ne perd pas son sang-froid. Une limousine manque de le renverser et sa propriétaire, Eve Rand, femme d’un riche industriel, le récupère. Elle l’installe dans un appartement d’invité où il est heureux de trouver une télévision. Chance (qui devient « Chauncey Gardner ») est invité sur une émission de télévision et va être bientôt considéré comme un messager politique et devenir, malgré lui, un homme d’influence pour les élites.
Un président
Malgré lui, Chance finit par duper son monde. Il dit au Président « Bobby » qui s’interroge sur la voie à suivre pour l’économie américaine : « tant que les racines ne sont pas coupées, tout va bien. Tout se passe bien dans le jardin. » À la fin, Mr. Rand meurt et le cortège funèbre qui porte le cercueil, commence à esquisser l’idée de faire de Chance le prochain président des États-Unis. Alors qu’ils chuchotent, Chance s’égare au bord d’un étang et on voit bientôt sa silhouette marcher sur l’eau … « Chauncey » est si candide, ingénu et il incarne si parfaitement un air rasséréné et confiant, que ses propos sont compris comme lumineux aux yeux du président et (presque) tout son entourage. C’est, en effet, le cœur du propos. On se demande comment le mutisme et la bêtise candide d’un homme peuvent être entendus comme potentiellement intelligentes au cœur d’un monde prétentieux et fêlé.
Un Messie ?
« Bienvenue Mister Chance » était à l’époque un commentaire sur un système social qui voit ses idéaux et son état d’esprit perturbés par l’idéologie de l’ère Reagan. On croyait un tel propos irréalisable. Est-ce possible qu’un homme, presque illettré, qui ne se base que sur ce qu’il regarde à la télévision et les théories de complot les plus farfelues, puisse devenir un jour le Président des États-Unis d’Amérique ? Sommes-nous tous des variantes de Chance ? Sommes-nous formés à un âge précoce pour répondre automatiquement à des mots et des concepts préprogrammés ? Est-ce qu’on est incapable de réfléchir par nousmêmes ? Les derniers mots dans le film sont : « La vie est un état d’esprit ». Et quand cet état d’esprit est basé sur l’hyperbole et le mensonge, quid pour nous protestants appelés à la responsabilité devant Dieu ? Sommes-nous en train de renoncer à nos responsabilités afin de les céder à un homme qui se proclame comme le « sauveur » de notre civilisation ? Ou n’est-ce que dans notre imaginaire qu’un homme, créature et création des médias (selon Michael Moore) puisse marcher sur les eaux ?