Bien des chants de Noël nous semblent parfaitement familiers, entendus et chantés lors de veillées ou de cultes. Mais, suivant nos traditions, qu’elles soient luthériennes ou réformées, nous serions bien surpris d’apprendre que certains d’entre eux ne sont entrés dans nos recueils qu’aux XIXe et XXe siècles.

Il faut en effet rappeler que Luther, bon musicien, a inventé le chant d’assemblée, souhaitant que tous puissent participer au culte. Ce chant d’assemblée luthérien est le « choral » : des mélodies simples avec une note par syllabe, adaptations d’anciennes hymnes ou séquences catholiques, de chants populaires ; il en a écrit et composé pas moins de quarante-trois. Le réformateur a également souhaité garder l’année liturgique, et c’est pour cela que l’on retrouve parmi ses cantiques celui destiné à l’avent, Nun komm, der Heiden Heiland (« Viens, ô Sauveur des païens »), quatre autres spécifiquement pour la fête de Noël (dont Vom Himmel hoch da komm ich her, « Ô Dieu tout puissant créateur »), et le cantique de Siméon (Mit Fried und Freud ich fahr dahin). Au cours des siècles suivants, ce répertoire de chorals va considérablement s’enrichir. Par ailleurs, les luthériens francophones de Strasbourg vont les adapter en français dès 1539.

Des compositions

En revanche, on sait que Jean Calvin souhaitait qu’on se limitât dans le chant d’assemblée aux seuls textes bibliques, c’est-à-dire les psaumes, auxquels furent adjoints d’autres cantiques, des mises en musique d’autres textes des Ancien et Nouveau Testaments. Ce n’est qu’en 1705 que le Genevois Bénédict Pictet fit paraître ses 54 Cantiques sacrés pour les principales solennités des chrétiens. Parmi ceux-ci, sur des mélodies du psautier, 6 sont consacrés au jour de Noël, seul le Cantique de Zacharie se fondant sur une paraphrase du texte biblique. Il faudra attendre le XIXe siècle et la période du Réveil pour introduire dans les recueils réformés des cantiques adaptés de chants anglo-saxons et parfois de chorals luthériens, recueils qui réduisirent considérablement le nombre de psaumes. Et dans le recueil Psaumes et Cantiques de 1895 (adopté par le synode général officieux des Églises réformées de France), il n’y a que 6 cantiques de Noël.

C’est par le recueil Louanges et Prières, consacrant l’unité des Églises formant l’Église Réformée de France en 1938, que va s’élargir le corpus de Noël provenant de plusieurs sources protestantes et comprenant des chants aussi populaires que D’un arbre séculaire, Sortez bergers de vos retraites, Émerveillons nous d’être ensemble, Ô peuple fidèle, Ô nuit bienveillante, Voici Noël ou Mon beau sapin.

Le recueil de la région Centre-Alpes-Rhône (Arc-en-Ciel) va comporter 27 cantiques pour l’avent, 31 pour Noël, pour bon nombre originaires des répertoires catholiques et évangéliques contemporains. Quant à Alléluia, publication officielle de la Fédération protestante de France, on n’y compte pas moins de 34 chants pour l’avent et 38 pour Noël.

Évolutions

Le catholicisme a attendu le XIXe siècle pour avoi r des chant s d’assemblée en langue vernaculaire. Cependant, existait avant cela un riche corpus de Noëls populaires qui n’étaient pas destinés au culte. Ce répertoire apparu au XVIe siècle fut source d’inspiration pour de nombreux organistes au cours des siècles suivants, tels Daquin, Balbastre, d’Andrieu ou Corrette pour les plus connus. Parmi ces Noëls, Une jeune pucelle (ou Une jeune fillette) était démarqué d’une chanson populaire italienne, La Monaca, racontant les malheurs d’une jeune fille contrainte d’entrer au couvent ; la mélodie fut reprise pour le choral Von Gott will ich nicht lassen (1563), repris dans le cantique pour l’avent Après la longue attente (Alléluia 31-04).

Alors, que nous préférions chanter des psaumes, des cantiques aux mélodies ou aux textes parfois médiocres, qu’importe, la joie de Noël continuera à s’exprimer par le chant !