Ses yeux de braise se sont fermés pour la dernière fois. La comédienne franco-italienne Claudia Cardinale s’est éteinte à l’âge de 87 ans à son domicile de Nemours, en Seine-et-Marne, annonce La Stampa. Le quotidien s’émeut : « L’une des plus grandes actrices de l’histoire du cinéma italien et international » laisse derrière elle « une carrière monumentale de plus de 150 films, des performances mémorables et une élégance qui a marqué son époque ». Elle lègue une épaisse filmographie au monde du cinéma alors que rien ne la prédestinait à devenir comédienne.
Sa jeunesse tunisienne dans une famille d’origine sicilienne révèle sa personnalité franche et aventurière. Ses trois frères et sœurs, ainsi que ses parents qui formaient un couple modèle et fusionnel selon elle, en étaient témoins. « J’étais ce qu’on appelait un garçon manqué, toujours prête à me bagarrer pour démontrer que les filles étaient au moins aussi fortes que les garçons. Une vraie casse-cou qui sautait toujours dans le train en marche pour se rendre à l’école à Carthage », confie-t-elle dans une interview accordée au Monde en 2017. Plus tard, elle adorera tourner des films d’action et insistera pour réaliser elle-même les cascades.
Sa carrière débute lorsqu’elle remporte par hasard un concours de beauté organisé par l’Office du cinéma italien et est élue « plus belle Italienne de la ville de Tunis ». Elle gagne un séjour pour la Mostra de Venise où elle s’est rendue en 1955, chaperonnée par sa mère. Sa présence dans la ville italienne ne passe pas inaperçue : paparazzis et producteurs se chamaillent des collaborations avec elle. Pour la jeune Claude, de son vrai prénom, c’est non. Elle se rêve exploratrice ou institutrice et ne s’imagine que des années plus tard, elle sera surnommée « la diva silencieuse qui parlait avec les yeux », par La Stampa.
Un métier « cannibale et ingrat »
Mais le cinéma l’a rattrapée : elle se résout à signer un contrat avec le producteur Franco Cristaldi, qu’elle épousera ensuite. Elle accepte de devenir comédienne sans avoir d’autre possibilité : violée en Tunisie, elle tombe enceinte et fuit son agresseur qui l’harcèle. Loin des flashs qui se déclenchent à chacune de ses sorties, elle accouche discrètement en Angleterre et confie le petit Patrick à sa famille qui a élu domicile à Rome. Cristaldi « a eu l’idée de raconter que le bébé était mon petit frère. Et j’ai été contrainte d’assumer ce mensonge pour éviter le scandale et protéger ma carrière », retraçait-elle auprès du Monde. Jusqu’à ce qu’elle révèle la vérité aux sept ans révolus de Patrick.
Cela ne l’empêche pas d’exercer son métier de comédienne, qu’elle juge « cannibale et ingrat », et de tourner plus d’une centaine de films entre 1958 et 2020. Parmi les plus connus figurent La fille à la valise de Valerio Zurlini, Cartouche de Philippe de Broca, La panthère rose de Blake Edwards, La Ragazza de Luigi Comencini, Les Centurions de Mark Robson, Les Professionnels de Richard Brooks, Il était une fois dans l’Ouest de Sergio Leone, Les Pétroleuses de Christian-Jaque, Bons baisers d’Athènes de George Cosmatos, Le ruffian de José Giovanni, Hiver 54, l’abbé Pierre de Denis Amar… Et une fois épargnée des caméras, elle s’engage pour les droits des femmes, des homosexuels, le combat contre le SIDA et la peine de mort aux côtés d’Amnesty International. Elle quitte ce monde avec la satisfaction que « ce métier (lui) aura offert une foule de vies ».