Il ne dure qu’un peu plus de dix minutes, mais n’en demeure pas moins très éclairant. Alors que le coup d’envoi de la Coupe du Monde 2022 sera donné dans deux mois, Amnesty International dévoile un documentaire qui pointe, une fois de plus, la face cachée du pays hôte, le Qatar, où des millions de travailleurs migrants sont exploités, maltraités et réduits à un état de quasi-servitude. Réalisé par Arnaud Constant et Nicolas Thomas, ce documentaire (Les exploités du Qatar), disponible sur YouTube, fait le point la situation dramatique vécue par ces personnes venues chercher un travail dans l’espoir d’une vie meilleure. 

Amnesty International rappelle que 95% de la main-d’œuvre du Qatar est formée de travailleurs migrants. Beaucoup sont issus d’Asie du sud-est. Parfois entassés à huit dans une pièce pour dormir, certains sont de corvée 18 heures par jour et n’ont pas de congés, indique le documentaire. Il arrive aussi que certains ou certaines dorment chez leurs employeurs. “Si des réformes importantes ont été introduites dans la législation – les travailleurs migrants ont par exemple désormais le droit de quitter le pays ou leur emploi -, celles-ci ne sont pas encore mises en œuvre, en raison de la culture d’impunité qui règne dans le pays”, précise l’ONG dans un communiqué. 

Accidents de travail, blessures, morts par épuisement

Je me souviens très bien de mon premier jour au Qatar, témoigne Shamim, un jardinier. Un agent de l’entreprise qui m’employait m’a presque tout de suite retiré mon passeport. Je ne l’ai jamais récupéré.” En 2010, l’année où le pays a été désignée hôte du Mondial de football 2022, le Qatar comptait 1,1 millions de travailleurs migrants. Aujourd’hui, en 2022, il en compte 2,2 millions, soit deux fois plus. Le pays a ainsi entrepris de gigantesques travaux (nouveaux stades, hôtels, etc…) dédié à cet événement sportif, qui est l’un des plus importants de la planète. 

Accidents de travail, blessures, morts par épuisement : les conditions que vivent ces travailleurs migrants sont terribles. Or, déplore Amnesty International, “les autorités qataries ne reconnaissent [pas] leurs responsabilités, ni ne dédommagent les victimes ou leurs familles.” “C’était l’après-midi, le responsable du camp de logements de l’entreprise m’a téléphoné. Il m’a annoncé que mon mari était mort dans son sommeil pendant la nuit. Il ne m’a pas donné plus d’information. Après, personne ne m’a jamais contactée”, raconte Bipana, l’épouse de Tul Bahadir Gharti, un travailleur migrant. 

L’ONG note que la FIFA, organisatrice de l’événement, devrait engranger plus de six milliards de dollars de bénéfices lors de cette Coupe du Monde 2022. “Nous demandons à ce qu’elle réserve au minimum 400 millions de dollars pour initier un programme d’indemnisation des victimes depuis 2010.