Elle vient d’avoir dix-neuf ans et c’est son premier rôle au cinéma. Babette Verbeek est Jessica dans le dernier film des frères Dardenne. Adolescente sombre, empêtrée dans son histoire… et enceinte de huit mois.
Babette fait du théâtre depuis l’âge de onze ans et rêve de cinéma depuis à peu près aussi longtemps. Elle n’a jamais été retenue sur un casting et, quand elle voit passer l’annonce des frères Dardenne, elle s’inscrit sans grand espoir. Elle vient de se faire opérer des dents de sagesse et n’est pas au mieux de sa forme. Mais qui ne tente rien n’a rien.
Quand elle est convoquée pour le deuxième casting, puis le troisième, Babette n’y croit toujours pas. Ni davantage quand sa mère lui apprend qu’elle est retenue : « Je me suis dit c’est pas possible, ils vont changer d’avis. » Il faut dire qu’un premier rôle avec les Dardenne, ce n’est pas ordinaire. « C’était énorme, j’étais très heureuse et en même temps un peu stressée. » Babette ne connaît pas les réalisateurs belges, elle regarde Rosetta entre deux castings. Quand elle lit le scénario de Jeunes Mères, elle est très émue. « J’ignorais tout de la problématique des jeunes filles enceintes très tôt, je me suis dit : Ouh là là, c’est un rôle très chargé. »
Jean-Pierre et Luc Dardenne placent les jeunes actrices, à tour de rôle, « en immersion » dans la maison maternelle où sera tourné le film. Babette découvre l’univers de ces « jeunes filles avec bébé » et sympathise avec l’une d’entre elles. « Elle avait seize ans, elle m’a raconté beaucoup de choses, librement, ces moments m’ont beaucoup marquée, j’ai compris comment ça se passait et ça m’a énormément nourrie. »
Sur le plateau, l’équipe est extrêmement bienveillante. Jean-Pierre Dardenne met les jeunes comédiennes en confiance, « on s’est tout de suite senties hyper légitimes d’être là ». Le tournage dure trente-huit jours, moins que prévu, « à cause des bébés, quand ils sont là il faut se dépêcher ». Les prises se succèdent, dix fois, quinze fois, jusqu’à vingt-six fois pour une scène, « ça marche jamais du premier coup ». Les réalisateurs expliquent patiemment, conseillent, donnent des indications, détaillent les mouvements…
Babette n’a jamais porté un nouveau-né et se rappelle sa maladresse lorsqu’elle doit prendre « sa » petite fille de six jours dans les bras. Elle évoque aussi la scène très technique de la perte des eaux – le robinet qu’il faut ouvrir discrètement dans le sac à dos et le pantalon à changer entre chaque prise – et celle, très forte en émotions, où elle retrouve sa mère.
Sensibilisée, par la force des choses, à la cause de celles qu’on a longtemps appelées des « filles-mères », Babette Verbeek est très fière d’avoir interprété le rôle de Jessica. « Je crois que c’est important que les gens sachent ce qu’il se passe, on ne parle pas beaucoup de ce sujet, ni des éducatrices et des psychologues qui entourent ces jeunes filles ; c’est presque caché, il faut les mettre en lumière. Je suis très heureuse d’avoir pu porter ça à mon échelle, je me suis sentie utile. »
Dans l’idéal, la jeune actrice rêve de pouvoir choisir les rôles qui l’intéressent et les causes qu’elle a envie de défendre. « Je pense que le cinéma a des messages à faire passer. » Cette expérience ne l’a pas laissée indemne, il y a en elle « un truc qui s’est réveillé » quant à l’écoute des autres. Babette ne prétend pas comprendre ces jeunes filles en difficulté mais se trouve beaucoup plus empathique aujourd’hui.
Sa plus belle récompense serait que les personnes directement concernées aiment le film et se reconnaissent à travers les personnages. « J’espère que le travail qu’on a fait avec les frères [Dardenne] leur parlera et qu’elles se sentiront un peu plus reconnues après ça. »
