La vie, l’origine, mais aussi la ferveur… Comment avez-vous choisi les thématiques de ces ouvrages ?

Elles viennent des auteurs, et c’est toujours un pari! Mais les premiers textes reçus sont tous entrés dans la dynamique de cette collection, une sorte de ligne tendue de réflexion, qui exige une réponse de la part d’un auteur. L’Origine, qu’est-ce que ça change ?… selon François Ansermet. Ce « selon » dans le titre, nous y tenions. C’est une manière de faire descendre les auteurs de leur piédestal. Il y a souvent dans le monde des idées une prétention au savoir absolu, à l’objectivité, comme si l’on pensait de manière désincarnée. Ici, nous assumons la subjectivité, exprimée dans ce « selon ». C’est une marque d’humilité pour l’auteur et d’hospitalité envers le lecteur, invité à penser avec cet auteur-là.

Vous avez expliqué, dans un entretien, observer notre modernité « épuisée de penser » : qu’entendez-vous par là ?

On reçoit beaucoup d’informations, d’injonctions. On est rarement invités à penser sans un prérequis, des connaissances. En ça, « Qu’est-ce que ça change? » est la collection « anti-Que sais-je? ». L’enjeu n’est pas de « tout savoir sur l’origine », par exemple. Plutôt: que serait un monde sans origine ? Sans ferveur ? Sans foi ?

On détourne la question désabusée « Qu’est-ce que ça change? » pour en faire une vraie interrogation à laquelle l’auteur ne peut pas se dérober. Je voulais inverser la pente glissante du cynisme, qui contribue à laisser orphelin de sens et d’engagement. J’aime bien ce que Frédéric Worms, un des auteurs, dit de la collection: « ça interdit l’indifférence ».

Pas d’indifférence… mais pas de réponse définitive non plus !

Les vagues d’informations nous submergent. Je souhaitais plutôt offrir une halte, une île. Ce qui nous épuise, c’est la nécessité de prendre position. Comment, au contraire, être sollicité par une pensée qui ne conduit pas nécessairement à trancher par une opinion, revendiquer le droit à suspendre son jugement, prendre le temps de cheminer dans un espace de médiation entre soi et le monde ? Cet espace entre soi et cette déferlante agressive d’informations, d’injonctions à se positionner, le livre l’offre magnifiquement.

Y a-t-il un lien entre cette collection et l’identité protestante de Labor et Fides ?

L’éthique protestante, c’est de revenir aux sources, aux fondamentaux. « Qu’est-ce que ça change ? », c’est une question fondamentale ! […]