Le monde de la photo se souviendra de sa vision singulière et humaniste malgré elle. Mardi 28 décembre, Sabine Weiss est morte à son domicile parisien. Elle était âgée de 97 ans. “Œil perspicace et compatissant”, la photographe franco-suisse “regardait les laissés pour compte, ceux auxquels personne ne prête attention dans un monde en pleine mutation. Ses photographies de mendiants, de clochards, de balayeurs, d’enfants pauvres, de roms, à la fois tendres et sans fard, font désormais partie de notre patrimoine du regard”, salue Libération. Modeste, elle ne se revendiquait pas de l’école française humaniste (aux côtés de Robert Doisneau, Willy Ronis ou Edouard Boubat), dont elle était pourtant la dernière représentante.
“Je n’ai jamais pensé faire de la photo humaniste. Une bonne photo doit toucher, être bien composée et dépouillée. La sensibilité des personnes doit sauter aux yeux”, disait-elle dans La Croix. Mais “l’humain, cela me plaît beaucoup. C’est gentil d’y faire attention, expliquait-elle à Libé en 2016. J’aime mieux les photos qui ne montrent pas grand-chose mais qui touchent. J’ai fait beaucoup de photos de gens seuls, de paumés.” Elle aimait dialoguer avec ses sujets, leur demandant notamment au préalable l’autorisation de les photographier. Défendait des valeurs de connivence, d’acceptation, d’amitié, d’échange, écrit Libération. Ces dernières années, Sabine Weiss était la doyenne de la photographie, métier qui l’a “rendue heureuse”, assurait-elle à France Inter.
200.000 négatifs et 7 000 planches-contacts
Née Weber en 1925 à Saint-Gingolph (Suisse), elle a été élevée dans une famille protestante. Athée, elle est cependant marquée par la mentalité calviniste dont elle retient l’humilité et le partage, note Libé. Elle commence la photo à 12 ans puis, quatre ans plus tard, jeune et indépendante, quitte le berceau familial. À 18 ans, elle intègre le studio de photographie genevois Boissonnas, très réputé. C’est en 1946 qu’elle rejoint Paris, où elle assiste le photographe de mode Willy Maywald.
Quatre ans plus tard, elle épouse le peintre américain Hugh Weiss. À l’aise dans le reportage, la pub, la mode et les portraits de stars, de nombreux magazines et journaux internationaux feront appel aux services de Sabine Weiss. Les années 1970 la feront connaître à un large public. Aujourd’hui, des collections prestigieuses exposent son travail (MoMa et Metropolitan Museum of Art de New York, centre Pompidou, Art Institute de Chicago, National Museum of Modern Art de Kyoto…). Il y a quatre ans, elle a fait don de ses archives, qui rassemblent 200.000 négatifs et 7 000 planches-contacts, au musée de l’Elysée de Lausanne.