La Mission populaire va commémorer ses 150 années d’histoire. Commémorer, c’est-à-dire essayer de faire une mémoire commune. De relire d’une manière partagée les événements, les conflits, les engagements, qui ont scandé son histoire. Faire mémoire commune, ce n’est pas évident.

Aujourd’hui, la question des relations entre l’Algérie et la France, depuis la colonisation jusqu’à l’indépendance, reste extrêmement sensible, et donne lieu à des conflits de mémoire et à des récupérations politiques. En allant plus en arrière dans le temps, nous voyons aussi que la lecture de la Commune de Paris reste une occasion de divisions politiques et historiques. Chacun pourra trouver des exemples. La mémoire de Napoléon Bonaparte, 200 ans après sa mort, est encore objet d’appréciations opposées.

Pas sans passé

Ces conflits, ces débats, ces récupérations, peuvent-ils être évités ? Ce n’est pas certain et ce n’est sans doute pas souhaitable. Il n’y a pas obligation d’unanimité sur la compréhension de notre histoire passée. Ce qui importe en revanche, comme individu, comme institution, comme nation, c’est de saisir ce qui nous a précédé, ce qui nous a peut-être constitué, ce dont nous avons hérité et ce dont nous, ou nos prédécesseurs, nous nous sommes éloignés volontairement.

Nous ne pouvons pas prétendre être sans passé. Nous ne pouvons renoncer à nous situer dans une histoire, même conflictuelle, à moins de vouloir être sans avenir. Nous ne pouvons prétendre partir de rien. Ce serait mépriser le passé dont nous sommes faits, comme nous avons méprisé la « nature » dont nous sommes partie prenante. Paul Ricœur : « Il y a une sorte de réciprocité entre la capacité de faire des projets et la capacité de se donner une mémoire. » Si nous voulons travailler à un avenir vivable, nous devons explorer le passé, pour ne pas répéter des erreurs mais aussi pour y trouver des ressources.

Et nous ?

Est-ce que nous arriverons à faire « mémoire commune » sur les 150 années de la Mission populaire ? Nous verrons bien. Ce n’est pas absolument nécessaire d’être d’accord car nous avons de beaux exemples de l’intérêt de regards divers, voire concurrents, d’une même histoire : les quatre Évangiles présentent des mémoires différentes et parfois contradictoires de la vie de Jésus. Et le livre des Actes n’efface pas les conflits entre apôtres. Ce que les Évangiles et les Actes portent cependant, c’est la proposition de se reconnaître dans l’un ou l’autre des personnages du passé pour que l’avenir s’ouvre devant nous. Pour que nous puissions nous relever – ressusciter.