Vous avez écrit une thèse de doctorat sur Les protestants et le protestantisme au XIX siècle dans le sud aquitain (Béarn, Pays-Basque, Landes et Hautes-Pyrénées). Qu’est-ce qui vous a amené à travailler ce sujet ?
C’est un peu le hasard. Je ne suis pas protestante et pas croyante. Mais, au cours de mes études, je me suis intéressée au rôle joué par la religion dans les sociétés contemporaines. Et tout particulièrement au protestantisme. En licence, j’ai assisté à des cours sur la Réforme. J’ai été fascinée par la pluralité du protestantisme ; c’est ce qui m’a conduit à l’étudier durant ma thèse en centrant mes recherches plutôt sur la période de la « réaffirmation », au XIXe siècle.
Quelles sont les conclusions auxquelles vous parvenez ?
Tout l’intérêt était d’étudier la réaffirmation du protestantisme à la suite de la promulgation des articles organiques du 18 germinal an X (8 avril 1802), au moment où cette confession retrouve son statut de religion officiellement reconnue. En fait, le Sud aquitain, à cette époque, grâce notamment à la présence des Anglais, apparaît comme un condensé des sensibilités protestantes du xixe siècle (réformés, darbystes, membres des églises évangéliques libres et anglicans). J’ai mené une étude en combinant plusieurs échelles : locale, nationale et internationale. Le but était de voir comment les protestants se sont réintégrés dans la société du XIXe siècle, majoritairement catholique. La communauté protestante, minorité active et plurielle, cherche à affirmer une identité propre, notamment par la reconstruction des lieux de culte, l’ouverture d’écoles et la publication d’ouvrages et de journaux (Le protestant béarnais, par exemple). C’est ainsi qu’elle s’affirme vis-à-vis des catholiques. Le protestantisme est une minorité qui fait preuve d’une vision collective mais qui ne nie pas sa pluralité. Il cherche à se développer malgré les conf lits qui existent entre les communautés protestantes. Il arrive à celles-ci de jouer de cette pluralité face aux autorités publiques. Cette minorité s’affirme aussi sur le plan de l’évangélisation locale (à destination des catholiques) et internationale (les Béarnais financent, par exemple, l’évangélisation en Espagne).
Et le politique ?
L’engagement se fait en faveur de la République et de la séparation des Églises et de l’État, une posture très classique chez les protestants. Mais sur la question de la laïcité des écoles, les protestants sont divisés. Si Félix Pécaut y est très favorable, les pasteurs de la pastorale d’Orthez font valoir une vision différente de celle-ci. Pour Alphonse Cadier, le protestantisme étant une religion laïque, il peut maintenir ses écoles, notamment à Pau.