Dès la première scène, Laurentiu Ginghina, un employé communal de la ville natale du cinéaste, et son ami, qui se rêvait travailleur en forêt ou en exploitation agricole, lui raconte comment il s’est cassé le pied lors d’une partie de football en 1986, lorsque 10 personnes se sont précipitées sur lui parce qu’il avait le ballon. Les graves séquelles de cet événement ont donné l’idée à ce passionné de foot, dès lors frustré, d’imaginer et de perfectionner sans cesse de nouvelles règles pour diminuer les contacts physiques lors d’un match. À cet effet, il dessine un terrain octogonal, trace des lignes verticales supplémentaires et impose aux joueurs de ne pas sortir de leur zone de jeu !

La quête d’une forme d’utopie

Exposée d’une voix calme la démonstration du procédé par Ginghina à l’aide d’un tableau blanc et d’aimants puis le match d’entraînement cocasse – le ballon ne quitte plus certaines zones du terrain –, appliquant ces nouvelles règles, a de quoi déconcerter mais va au-delà d’un exercice d’humour autistique, pour dévoiler de façon subtile la quête d’une forme d’utopie qui puisse triompher de l’absurdité du quotidien. On pourrait imaginer que ce bref et original documentaire n’est pas à conseiller à ceux qui ne s’intéressent pas au foot mais il n’en est rien.

Grâce à une mise en scène sobre mais efficace, le spectateur s’attache à cet homme qui le touche par sa ténacité comme par son grain de folie et qui déploie dans ses échanges avec le réalisateur, à travers des discussions aux références multiples, une lecture philosophique de la destinée humaine. Cette fable réelle n’est-elle pas le prétexte qui permet d’évoquer le changement, l’adversité, la renégociation continuelle des possibles, à travers une méditation sur la manière de transformer un malheur en opportunité ?