Longtemps, dans le protestantisme, la sympathie que Luther a pu éprouver pour François d’Assise a été effacée par la violence de la polémique contre les franciscains et leur prétention à présenter la vie et les actions de leur fondateur dans une conformité sans faille avec la vie et les actions du Seigneur Jésus. Le livre Des conformités de Barthélemy de Pise, paru à la fin du XIVe siècle, fut dénoncé comme L’alcoran des franciscains dans un pamphlet préfacé par Luther dans l’édition de 1542 et traduit en français dès 1556 par Conrad Badius. Rendant compte de cette polémique, dans son Dictionnaire historique et critique, Pierre Bayle conclut que « personne n’a fait plus de tort à François d’Assise que ses propres enfants ».
Le pasteur Paul Sabatier qui, au début du XXe siècle, attira l’attention des protestants sur François d’Assise, et qui fut l’initiateur de l’étude historique des sources franciscaines, n’était pas loin de partager ce jugement. En effet, à la lecture des écrits de François et des documents primitifs, il ne pouvait pas ne pas être frappé par l’écart entre le propos de François lui-même et le devenir de l’ordre franciscain. De la prise de conscience de cet écart, et de la crise qu’il suscita au sein même de l’ordre, au point que François en abandonna la direction, est née la « question franciscaine ». […]