De l’Estonie à la Turquie
La jeune Hedwige, née en 1887, est issue d’une famille luthérienne d’Estonie. Très douée pour les langues, elle se forme dans les domaines de l’éducation et du social. Adolescente, elle rencontre le pasteur Ivan Kargel qui évangélise en Russie. Son engagement l’impressionne et l’amène ellemême à vivre une expérience de foi fondatrice. Elle se forme dans un institut biblique et envisage de devenir missionnaire enseignante en Orient. Elle est sensibilisée depuis longtemps à la situation difficile de la minorité arménienne chrétienne dans l’Empire ottoman quand en 1911 elle peut enfin partir pour la ville de Marache.
Elle est envoyée par la mission allemande du Hilfsbund pour s’occuper d’orphelins arméniens. Sur place elle est accueillie par la missionnaire suisse Béatrice Rohner qui aura un rôle capital dans l’aide apportée par les réseaux protestants aux Arméniens déportés à Alep durant le génocide, à partir de 1915. Affectée en 1916 à un nouvel orphelinat, Hedwige réussira, à force d’obstination, à sauver les enfants dont elle avait la charge. Paul Berron fait sa connaissance dans ce contexte et lors de la fondation de l’ACO, en 1922, c’est tout naturellement qu’il fait appel à elle pour initier le travail à Alep.
30 ans à Alep
Les conditions de vie des réfugiés arméniens à Alep, dans des camps, sont alors désastreuses. Animée par sa foi et beaucoup d’énergie Hedwige va œuvrer dans de multiples domaines afin d’améliorer leur situation. Visite des familles en difficulté, aide d’urgence, création d’un centre de soin, construction d’un système d’eau potable, parrainage d’enfants pour l’éducation et l’aide alimentaire, ateliers de tissage pour assurer des moyens de subsistance, logement pour des veuves et leurs enfants, colonies de vacances pour les enfants dénutris, soutien spirituel… Dans les années 1930 la construction de deux maisons, Elim et Sichar, serviront à abriter une partie de ces projets : elles existent toujours aujourd’hui sous l’appellation « Église du Christ ». A la même époque les camps sont démantelés mais « Miss Bull » s’investira pour permettra aux anciens réfugiés de devenir propriétaires et de bâtir des logements dignes. L’ensemble de ce travail sera mené en bonne intelligence avec d’autres missionnaires de l’ACO et beaucoup de collaborateurs arméniens.
« Mayrig »
De sa retraite en 1955 jusqu’à son décès en 1981, elle restera en lien avec ses anciens protégés via une correspondance suivie et quelques voyages en Syrie. Leur reconnaissance s’exprimait souvent par l’emploi d’un surnom à la fois affectif et respectueux, celui de « Mayrig » qui signifie « mère ». L’histoire raconte que dans les dernières semaines de sa vie Hedwige ne parlait plus que l’arménien, sa langue de cœur qu’elle avait réussi à maîtriser parfaitement, signe de la profondeur de son engagement.