Les éditions multipliées

Dès le début du 18e siècle, une époque effervescente pour l’édition biblique, la traduction de Sacy s’impose. Elle est souvent reprise : on note 25 éditions avant 1740 et 11 ensuite, mais presque toujours avec des « notes courtes ». Elle devient, à peine révisée, le texte de base de multiples éditions érudites. Dom Calmet, P. de Carrières, Le Gros, Bouhours, Godeau Abbé de Vence et L.-E. Rondet y ajoutent des commentaires abondants, comme dans la Bible en 22 ou 26 volumes de Dom Calmet publiée à partir de 1707. Augustin Calmet, religieux bénédictin de la Congrégation de St. Vanne et de St. Hidulphe, précise avoir travaillé six années avec une équipe de religieux de son ordre et puisé dans les ouvrages de nombreux commentateurs. Il a étudié le grec et, pour apprendre l’hébreu, il a reçu l’aide du pasteur luthérien de Münster, Fabre, un bon hébraïsant.

Les Bibles paraphrasées et « expliquées »

Se développe également une paraphrase qui commente, en quelque sorte, à l’intérieur du texte. L’oratorien Louis de Carrières (1662-1717) donne le texte de la traduction de Sacy mêlé d’une paraphrase (en italiques) inspirée des notes de Menochius. Exemple : « Au commencement de tous les temps, Dieu, qui de toute éternité avait résolu de faire de rien les choses qu’il a faites, créa le ciel & la terre. » (Genèse 1.1).

La paraphrase, comme c’est le cas dans cette Bible, s’ajoute au texte en restant visible. Ici, on distingue le texte traduit, complété par une paraphrase d’une manière repérable, puisque la paraphrase est en caractères italiques. En colonne, sur la gauche, se trouve le texte latin de la Vulgate. Le commentaire de Menochius en latin est en bas de page.

Antoine Godeau (1605-1672), membre de l’Académie française, évêque de Vence puis de Grasse, écrivain et poète, fait paraître en 1668 des Paraphrases sur les Épîtres, puis le Nouveau Testament en 2 volumes. Là, le texte français est central, mêlé à sa paraphrase sans qu’il soit possible de distinguer la paraphrase du texte lui-même. 
Romains 1.1. : « Paul ferviteur de Iesus Christ à l’Apoftolat & feparé par vn choix particulier de Dieu pour annoncer aux hommes les heureufes nouuelles de l’Incarnation de fon Fils. » Comparons avec la traduction de Sacy, plus littérale à l’époque : « Paul, serviteur de J.C. Apôtre par la vocation divine, choisi et destiné pour annoncer l’Évangile de Dieu ».

Antoine Godeau fait paraître ensuite une Version expliquée du Nouveau Testament (en deux volumes). Il ne s’agit plus de paraphrase. Le texte français est complété en italiques et entre parenthèses par de courtes explications, précisions, compléments. Le texte latin reste en marge. Matthieu 2.1 : « IESVS eftant né dans Bethleem (petite ville de la tribu) de Juda du temps du Roy Herode voila que des Mages (qui eftoient partis) de l’Orient vinrent (le chercher) dans la ville de Jerufalem (croyant que c’eftoit dans la capitale du Royaume qu’ils en pourroient apprendre des nouvelles). »

Certains traducteurs, comme Nicolas Legros, s’essayeront à repartir des textes hébreux et grecs, sans toutefois aller au bout du projet. Si, dans les milieux catholiques, on n’hésite plus à annoncer la recherche et la correction à partir des textes originaux, on veille toujours à montrer l’attachement au latin de la Vulgate. D’ailleurs, un certain relâchement, qui ne sera pas partout suivi d’effet, apparaît en 1757 quand le pape Benoît XIV autorise les traductions de la Bible en langues vernaculaires à condition d’approbation par le Vatican.

Dans le protestantisme

Plus de 200 000 protestants fuirent la France au moment de la Révocation de l’Édit de Nantes par Louis XIV. Ces exilés se rassemblaient dans des Églises de langue française en Europe du Nord, particulièrement. On […]