Redoutant qu’Henri d’Albret ne négocie avec l’Espagne dans l’espoir de recouvrer la suzeraineté de la Haute-Navarre (annexée par la Castille), le roi de France veille à ce que Jeanne soit élevée sous ses yeux.
Une mariée récalcitrante
Marguerite appuie sa fille dans la résistance que celle-ci oppose à des projets qui lui répugnent, notamment celui que François Ier lui impose en 1541 de s’unir au duc Guillaume de Clèves. La mère et la fille accumulent les preuves que le mariage a été imposé par la contrainte physique et qu’il ne peut être consommé. En 1545, le duc de Clèves ayant choisi l’alliance avec Charles Quint, l’annulation est obtenue.
Marguerite sera moins entendue par sa fille lorsque celle-ci éprouvera de tendres sentiments à l’égard d’Antoine de Bourbon, duc de Vendôme, à la solide réputation « d’homme à femmes ». Du mariage qu’elle a voulu, Jeanne a cinq enfants dont trois meurent en bas âge. Elle se séparera d’An- toine, le mettant à la porte », ne pouvant supporter que son mari ait d’une maîtresse un enfant alors qu’elle vient d’en perdre un.
La reine de Navarre
Elle se consacre alors pleinement au royaume dont elle est devenue reine en 1555. Convertie au protestantisme dont elle était proche depuis des années, elle autorise par une ordonnance du 18 juillet 1561 la pratique du culte calviniste dans son royaume. Elle promulgue des ordonnances ecclésiastiques sur le modèle genevois. Elle encourage la publication en béarnais du catéchisme de Calvin. Elle fait traduire le Nouveau Testament en langue basque par Jean de Liçarrague et de ce fait publie le premier livre jamais imprimé en cette langue.
Pendant les années qui suivent, une farouche opposition se développe contre la prédominance du protestantisme. Les troubles sont tels que Jeanne est amenée à interdire la pratique du culte catho- lique dans son royaume.
En 1568, les armées royales envahissent ses États afin d’y rétablir le catholicisme. Jeanne confie la lieutenance-générale de son royaume à Gabriel de Montgomery qui reprend en quelques semaines le contrôle des territoires envahis.
Le chef politique du « Parti »
La Navarre est devenue un royaume protestant qui a valeur d’exemple. Aussi est-il naturel que les qualités dont sa souveraine fait preuve donne à celle-ci une place importante dans l’organisation du « parti protestant ».
Jeanne gagne La Rochelle, base d’opérations du protestantisme, emmenant avec elle son fils Henri, âgé de 15 ans. Elle organise et administre le parti dans tous les domaines, à l’exception des affaires militaires réservées au prince de Condé.
Elle tient bon après les défaites de Jarnac et de Moncontour, et contribue au redressement qui permit de négocier ce qui sera en 1570 la paix de Saint-Germain. Un des éléments de cette tentative pour retrouver l’unité du royaume de France sera le mariage d’Henri avec Marguerite de France.
Une mort prématurée
Jeanne arrive à Paris en mai 1572 pour ce mariage qui doit avoir lieu le 18 août. Très faible, elle s’alite le 4 juin et meurt le 8 juin, à l’âge de 44 ans, de complications d’origine tuberculeuse.
Sa mort affaiblit le parti protestant peu de temps avant le massacre de la Saint-Barthélemy. Selon Agrippa d’Aubigné dans son Histoire universelle, elle aurait été empoisonnée sur ordre de Catherine de Médicis, légende reprise par Alexandre Dumas, qui ne repose sur aucun fondement historique.
Ce soupçon est l’expression de l’étonnement suscité et de la douleur ressentie par le parti protestant à la disparition de cette grande figure politique et morale toujours soucieuse de l’intérêt général.