Vers le IVe millénaire av. J.-C., les panthéons polythéistes s’érigent en parallèle de l’urbanisation et de la centralisation des pouvoirs. Les dieux doivent répondre au besoin croissant de sécurité de ces petites cités-États qui se développent dans tout le Moyen-Orient. Pour s’assurer l’efficacité des dieux, nul élan moral n’est nécessaire ; il suffit de veiller à effectuer différents rituels selon un ordre et une régularité qui garantissent la sécurité et l’équilibre du cosmos. Pour une paix durable, mieux vaut bénéficier de la bonne grâce des dieux en leur offrant ce qu’ils souhaitent. Le Dieu biblique apparaît, de prime abord, comme un petit dieu tribal accompagnant les pérégrinations de son clan. 

La confrontation entre Yahvé et Baal

La Bible reconnaît à plusieurs reprises l’existence d’autres dieux : « Vous ne suivrez pas d’autres dieux, d’entre les dieux des peuples qui vous entourent ; car le Seigneur, ton Dieu, qui est en ton sein, est un Dieu à la passion jalouse » (Deutéronome 6.14). La Bible nous renseigne aussi sur la très grande concurrence qui existait entre le Dieu d’Israël, Yahvé, et le dieu Baal, très populaire dans le pays. Dans le premier Livre des Rois, au chapitre 17, nous faisons la connaissance du prophète Élie. Élie, fidèle à Yahvé, annonce que Baal, prétendu maître de la pluie, est en réalité incapable de la faire tomber et que la sécheresse ravagera désormais Israël, puisque Yahvé n’y est plus adoré.

Au chapitre suivant, un combat oppose le prophète Élie à quatre cent cinquante prophètes de Baal. Il s’agit de savoir qui, de Yahvé ou de Baal, est le plus efficace pour apporter la sécurité alimentaire au peuple. Baal, le dieu de l’orage, ne réussit pas à faire pleuvoir et c’est finalement Yahvé qui amène la pluie. La preuve est ainsi faite que Baal ne possède pas la puissance céleste qu’on lui prête et que ses prophètes, loin d’être des prophètes de vie, ne sont que des messagers de mort. Et lorsqu’ils sont eux-mêmes mis à mort, la vie revient : « Le ciel s’obscurcit par les nuages, le vent s’établit, et il y eut une forte pluie » (1 Rois 18.45). Baal, soi-disant dieu de vie, n’est qu’un dieu de mort.

Le Dieu d’Israël est tout-puissant

En 580 av. J.-C., les troupes babyloniennes détruisent Jérusalem et conduisent une partie de la population en exil à Babylone. Cette catastrophe marque profondément la théologie d’Israël et conduit à affirmer que Yahvé est l’unique Dieu, à l’exclusion de tous les autres. Comment comprendre l’exil ? La première explication aurait dû être de considérer que Yahvé était un dieu faible, incapable d’assurer la sécurité de son peuple. C’était la plus courante chez les peuples qui vivaient ce genre d’événement dramatique. Le peuple vaincu se tournait alors vers les dieux des vainqueurs et abandonnait ses propres dieux. 

Le raisonnement que va élaborer l’intelligentsia d’Israël est diamétralement opposé : si le peuple a été conduit à la défaite et à l’exil, c’est parce qu’il a renié le Dieu d’Israël ; les armées babyloniennes ne sont qu’un instrument entre les mains de Dieu pour punir son peuple. S’il a pareil pouvoir, alors le Dieu d’Israël est bien plus puissant que tous les autres dieux. C’est à partir de cette pensée, née au cœur de Babylone, au contact des dieux babyloniens, pourtant majestueux, que se développe le monothéisme.

Cette révolution de la pensée pousse le peuple à utiliser son esprit critique et à ne pas s’en remettre à des statues de bois. La paix dépendra dès lors d’un effort tant collectif qu’individuel, sous le regard d’un Dieu devenu « le tout autre ».

Brice Deymié, pasteur de l’Action chrétienne en Orient à Beyrouth